Kieran Ferragu (E19) & Pierre Fischer (E19) : « La déconsommation d’alcool va se poursuivre »
Après avoir lancé 220 Grains, service de constitution de caves à vins pour particuliers, Kieran Ferragu (E19) et Pierre Fischer (E19) se positionnent en pionniers des boissons sans ou à faible teneur en alcool (NoLo). Explications.
ESSEC Alumni : Comment êtes-vous passé du vin au NoLo ?
Kieran Ferragu : Nous parcourions les vignobles autrichiens pour diversifier notre offre et nous avons découvert par hasard le Sparkling Tea, thé effervescent haut de gamme imaginé par un sommelier danois et déjà vendu dans plus de 50 pays et 100 restaurants étoilés à l’époque, mais pas encore en France. Séduits, nous avons bientôt obtenu la distribution exclusive de la Copenhagen Sparkling Tea sur notre territoire. Quelques mois plus tard, la boisson est présente dans plusieurs établissements prestigieux, dont le Four Seasons George V, la Maison Pic ou encore la Maison Villeroy à Paris.
EA : Que recouvre exactement le secteur NoLo ?
Pierre Fischer : L’acronyme NoLo (ou NoLow) regroupe l’ensemble des produits sans ou à faible teneur en alcool. Cette catégorie est née en même temps qu’une génération plus soucieuse de sa santé et de son bien-être, qui souhaite consommer moins mais mieux, et qui cherche des alternatives qualitatives aux traditionnels sodas et jus.
EA : Où en est le développement du secteur ?
K. Ferragu : Selon le baromètre Sowine x Dynata édité par notre camarade Sylvain Dadé (E97), 28 % des Français consommaient des NoLo en 2024. Suffisamment pour que des acteurs spécialisés émergent, comme les caves Déjà Bu ou Le Paon qui Boit à Paris, et pour que plusieurs restaurants, surtout gastronomiques, manifestent leur intérêt – notamment La Maison Pic, qui propose de nombreuses alternatives à la traditionnelle carte des vins, et le Clos des Sens à Annecy, qui détient 3 étoiles Michelin et élabore des accords sans alcool entièrement fait-maison.
P. Fischer : Pour autant, les marques qui arrivent à s’inscrire dans la durée et à asseoir une vraie notoriété restent rares, car le consommateur devient de plus en plus exigeant à mesure que l’offre s’étend. Exemple significatif : les vins désalcoolisés peinent à égaler le succès des bières à 0° et plafonnent à 10 % de la catégorie. Il faut dire que le procédé chimique utilisé pour les obtenir soustrait une partie de la complexité, de la texture et du goût, et tend à détacher du terroir d’origine. Autre limite : on crée certaines attentes, souvent déçues, en reprenant le terme « vin ».
EA : Quid du Sparkling Tea ?
K. Ferragu : Cette catégorie tire son épingle du jeu parce qu’elle coche de nombreuses cases – bio, vegan, sans soufre, compatible donc avec toutes les religions et toutes les contraintes alimentaires – et surtout parce que la qualité gustative est au rendez-vous. Les produits de la Copenhagen Sparkling Tea en particulier sont élaborés à partir de thés bios verts, blancs, noirs et Oolong sourcés en Asie dans de petites fermes indépendantes, infusés à des températures et durées différentes selon les variétés et le résultat souhaité, puis assemblés. L’expérience du cofondateur Jacob en tant que sommelier primé contribue fortement à ce positionnement premium.
EA : Quelles sont les perspectives du secteur NoLo dans les années à venir ?
P. Fischer : Ce que l’on peut affirmer, c’est que la déconsommation d’alcool va se poursuivre, offrant une place de choix à ses alternatives. Il y aura encore des parts de marché à conquérir. En attestent les investissements massifs de grands groupes comme Pernod Ricard ou LMVH, qui placent d’ailleurs la France parmi les leaders du secteur – et qui annoncent une probable concentration, à terme, autour de quelques acteurs majeurs, ceux qui auront les moyens de développement et de promotion nécessaires pour passer d’un produit de niche à un produit grand public.
EA : Dans ce contexte, quelle stratégie adoptez-vous ?
K. Ferragu : Nous voulons éviter le simple effet de mode, grisant mais fugace. C’est pourquoi, contrairement à d’autres, nous ne focalisons pas nos efforts sur des opérations comme le Dry January. Nous visons de répondre à des moments de consommation sur toute l’année. D’où notre stratégie de commercialisation priorisant les hôtels de luxe qui nous placent dans leurs chambres, les restaurants gastronomiques qui nous ajoutent à leurs menus, ou encore les prescripteurs comme les grands magasins à Paris, les espaces de vente spécialisés, et les clubs privés comme le Chais d’œuvre de Manuel Peyrondet (Mof Sommelier) qui, avant nous, n’avait jamais proposé de boisson sans alcool à ses membres – en 13 ans d’existence.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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