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Kilafée n°7 - juin 2022 Pierre-Yves HEITZ, le Pôte aux légumes, un Cuisinier Engagé

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Provence

18/05/2022

Pierre-Yves HEITZ : Le Pôte aux légumes, un Cuisinier Engagé 


Cela fait maintenant 3 ans que je connais Pierre Yves. Que je croyais le connaître, plutôt. Dites de moi que je suis superficiel, si vous voulez. Ce ne serait pas totalement volé, car cela m’arrive, de m’arrêter à l’écume des gens de rencontre. Je le confondais, lui, avec son entreprise. Beaucoup s’y seraient laisser prendre aussi, tant il l’incarne avec conviction. Vous connaissez, n’est-ce pas, « Le Potager Voyageur » ?

 

Mais repartons du début. Scolarité comme vous et moi, qui le conduit à l’Essec à la fin du siècle dernier. Il fut du dernier contingent du service militaire. Vous voyez venir les corvées de patates au mess des officiers ? Tu brûles. 

 

Lui se choisit « un service civil, à éplucher des carottes, à la Table de Cana, tu connais ? »

Je risque : « C’est le traiteur événementiel à l’Estaque, c’est ça ? Le métier de tes parents … Tu étais déjà dedans tout petit…» Parfois, je me trouve intelligent, je comprends tout, instantanément, sa vocation culinaire née dans l’enfance, j’imagine un cocon familial de restaurateur, je devine les quelques brigades où il aura appris et œuvré, peut-être un chef connu, ou mieux, un nom qui deviendra célèbre et qu’il aura croisé en culotte courte… Tout faux. 

 

Il rectifie : en vrai, il est né vers 1974, entre Bourgogne et Jura, à Dijon, ville condiment, seul point commun avec l’art culinaire qu’il cultive désormais. Son père n’était pas chef, sa mère n’était pas cuisinière, ils n’avaient pas de restaurant. Tout au plus, sa grand’mère cuisinait-elle les repas de toutes les grand’mères… « Au départ, c’était une asso à Montrouge (*), qui faisait de l’insertion en apprenant les métiers de bouche aux gens en rade, très éloignés de l’emploi. Ça a essaimé partout en France. C’est l’insertion qui m’intéressait, la recherche de sens, mais c’est là que j’ai connecté avec la cuisine. Je retrouvais le souvenir des saveurs des légumes de la cuisine de ma grand’mère. »

 

A l’âge où l’on souhaitait plutôt se débarrasser du service, Pierre Yves s’engage vraiment, pour 18 mois à Montrouge, au lieu des 12 obligatoires pour crapahuter en forêt. Je me demande si moi, quand j’avais fait Volontaire Formateur en Informatique, 15 ans plus tôt, certes dans l’insertion aussi, aurais-je signé s’il avait fallu faire moitié plus pour ne pas crapahuter ?  

 

Je l’écoute différemment, maintenant. Pierre Yves était incontestablement précurseur, je crois, de nos jeunes alumnis « à la recherche de sens » dès leur entrée dans la « vie active ». Ces « … » que j’y mets sont l’écho miroir à ce que l’on considérait comme une parenthèse : l’enfance, la scolarité, les études, le Service, futile national, utile civil ? Prémices tout ça, pas la vie ?

 

Il se découvre une passion manuelle pour la cuisine. Elle ne le quittera plus. Mais « pour rembourser le prêt », il quitte cette ambiance pleine de vie, de sens et d’enthousiasme des cuisines de Cana, et se fait recruter dans la finance. 

 

Quand il entre aux AGF, la séquence enracinée dans l’histoire financière française - création dès 1818, nationalisation en 1945 - s’achève avec la privatisation de 1996 et l’année suivante, le rapprochement avec Allianz, l’allemand. Les anciens vivent la déprime d’un déménagement forcé de leur beau Paris 9ème historique à la froide Défense, la culture germanique, les mémos en anglais, face aux vaines rebellions francophones de ses nouveaux collègues. Ce qui devait être des noces (de Cana), est vécu comme rationalisation, absorption, disparition annoncée – et de fait le nom AGF laissera la place.

 

Lui observe et découvre un métier dont il ignore tout. Il apprend, puis apprend à expliquer, tant et si bien qu’il est des plus pertinents quand il va avoir l’opportunité de passer derrière le comptoir à concevoir les produits, une cuisine où il réussit, y passe 10 ans, et 10 ans encore chez l’anglais Aviva. Il en garde une force pédagogique qu’il utilisera pour vous expliquer la raison d’être de son Potager. Mais rien qu’il regrette. Sauf le placard à la fin. Et encore. Il regarde devant. Et devant, il voit les rapports du GIEC, il voit qu’il a d’autres choses à faire, qu’il peut tourner utilement la page tambouille financière. 

 

Avec Carine, son épouse, ils réfléchissent alors à relever « ces défis pour la planète, pour nos 3 enfants, 16, 13 et 8 aujourd’hui, au lieu de repeindre en vert des plans épargnes retraites ». « Réduire le CO², l’alimentation est la 3ème cause – derrière l’habitat et le transport ». Ses choix sont volontaires, les circonstances l’orientent. Sa maman part d’un cancer, comme plusieurs de ses voisins. Pourtant elle habitait un hameau champêtre, de 80 feux, aux abords de Melun, cherchez l’erreur... cultures intensives peut-être ? 

 

Deux ans pour construire leur concept d’activité. Ils étudient, élaborent, quittent Paris pour ici et démarrent, kbis 2019, leur aventure entrepreneuriale. Car ils y sont tous les deux. Carine & Pierre Yves Heitz, elle aux fourneaux, et lui au marketing, et aux livraisons ? « Euh, non, pas du tout, j’ai toujours aimé cuisiner. A la maison, c’est moi qui fais les repas, tous les jours », il ajoute presque « heureusement ! ». 

 

Flute ! Décidément, j’enfile les perles. « Ah, mais j’ai pensé, quand j’ai vu vos deux portraits sur votre site… ». Quand ma propre épouse a lancé La Petite Cantine de La Ciotat, je faisais sa vaisselle, le ménage, guère plus. Mes croyances… « Carine a sa propre entreprise, www.thewizadviz.com. Son métier c’est la présence digitale. Le Potager Voyageur est un de ses clients. Moi, ce que je fais, c’est vous faire manger tous les jours en contrôlant le CO² de mes plats, à travers le sourcing de mes ingrédients. Un burger, c’est 5kg, je vise 1,5Kg par repas. »

 

Mais ce nom, alors ? « Potager , c’est le goût des légumes de ma grand’mère, les saisons, les maraichers de Puyricard avec qui je travaille. Voyageur, c’est la camionnette électrique, avec laquelle je dessers tous les jours 15 spots de livraison sur la zone d’Aix-La-Duranne, etc. ».

 

A vous de goûter, la cuisine de Pierre Yves en parlera bien mieux que moi. Il y a mis du sens et pas que. Un régal quotidien pour le corps et l’esprit.

 

Yves Martin-Laval (E83)

depuis La Ciotat, pour KILAFEE ESSEC Alumni Provence

 

(*) C’est l’histoire du Père Franck Chaigneau, un jésuite informaticien qui maraudait déjà autour d’Antony à nourrir des SDF. Il approfondit qu’il faut plutôt leur redonner les moyens de gagner leur croute par eux-mêmes et en 1985, l’année de naissance des Restau du Cœur, lui démarre La Table de Cana », une asso dont la raison d’être sera « l’insertion sociale et professionnelle par les métiers de bouche », nouveau métier inventé bien avant que n’existe le statut d’entreprises d’insertion créé en 1990.

 

 

Actus de Pierre Yves HEITZ (E97) sur juin :

Vous qui travaillez sur le Pôle d’Activités d’Aix en Provence (le PAAP pour les intimes), Pierre Yves vous a cuisiné le Code promo « ESSEC10» (10% réduction pour votre première commande) valable tout Juin 2022.

- Et quand vous ne travaillez pas, Le Potager Voyageur agrémente votre BBQ de ses salades de saison, généreuses, originales, sa proposition Week-End estival pour votre repas familial ou votre garden party.

Pierre Yves HEITZ, - pierre-yves@lepotagervoyageur.fr - +33 (0)6 89 36 01 71

www.lepotagervoyageur.fr


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