Le 3 avril 2018, les Mardis de l’ESSEC ont reçu le chef étoilé Thierry Marx. Plongée dans l’arrière-cuisine de cette figure de la gastronomie française.
Surprise : Thierry Marx se soucie autant de la préparation de ses plats que de la gestion de ses équipes. Il confie même que le modèle managérial est ce qui est le plus compliqué à mettre en place en cuisine ; les violences commises par certains chefs coléreux, régulièrement dénoncées dans le milieu, en attestent. La recette de Thierry Marx pour ne pas tomber dans ces travers ? « Être dur avec les faits mais bienveillant avec les gens. » Celui qui encadre 480 collaborateurs à l’international sur l’ensemble de ses entreprises assure ainsi rester proche de ses employés au quotidien, tout en leur donnant une certaine autonomie. Son objectif : réussir à déléguer une part de son autorité, sans mettre de pression excessive. Un équilibre délicat à respecter, comme la « règle des 3W » – win pour le client, win pour le collaborateur, win pour l’entreprise – à laquelle il dit également s’astreindre.
Apprendre la table
Le management à la Thierry Marx témoigne d’une volonté de former les nouvelles générations et de leur transmettre à la fois la maîtrise du savoir-faire français et le goût de l’effort. Pas étonnant dès lors que le chef ait également créé Cuisine Mode d’Emploi(s), école gratuite permettant d’obtenir un CAP en 12 semaines. Avec des résultats probants : pas moins de 95 % de retour à l’emploi pour la cuisine et la boulangerie. Un succès dû là encore à un mélange d’autorité – les élèves n’ont droit à aucun retard ni absence – et de bienveillance – la conviction que Thierry Marx défend avec cette initiative, c’est que personne n’est condamné à l’échec par son passé ou par le milieu d’où il vient. Ainsi la question du diplôme visé n’est jamais abordée pendant le processus du recrutement ; la motivation et le potentiel sont plutôt jugés sur la question « où vous voyez vous dans deux ans ? ».
Profession de foi
Thierry Marx s’affirme donc comme un homme engagé, menant sa vie au rythme d’« un sport de combat ». Il a d’ailleurs fait un passage par l’infanterie de marine avant de se mettre aux fourneaux… Quel rapport entre ces deux périodes de sa vie ? Peut-être le désir de porter haut les couleurs de son pays. Celui qui est souvent perçu comme le porte-drapeau de la cuisine moléculaire en France assure ainsi qu’il s’est intéressé à cette discipline après s’être rendu compte que notre gastronomie nationale avait pris du retard sur la scène mondiale à force de mettre l’accent sur ses traditions – certes délicieuses – plutôt que sur la créativité. D’où son implication également au sein du Centre Français d’Innovation Culinaire à Orsay, où il travaille aux côtés d’un chimiste pour repenser nos habitudes et pratiques alimentaires afin de pouvoir nourrir 9 milliards d’individus en 2050.
Engagé, Thierry Marx l’est aussi dans une certaine mesure politiquement – même s’il s’en défend. Il a montré son soutien à Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle, et a apprécié la manière dont Jacques Chirac a valorisé le terroir français durant ses mandats. Cependant Thierry Marx refuse toute appartenance à un parti politique, qu’il trouverait sclérosante. On retrouve là l’autonomie qui lui est chère.
Nourrir l’esprit
Alors, quels conseils Thierry Marx le cuisinier-manager a-t-il à donner aux étudiants de l’ESSEC ? Ne jamais reculer ni renoncer, même s’il faut parfois savoir s’arrêter et observer. Le travail doit être un chemin de vie pour l’épanouissement. Et de citer Antoine de Saint-Exupéry : « pour commander les hommes, il faut savoir les aimer ».
Propos recueillis par Laura Baldon (étudiante)
Retrouvez l’intégralité du débat en vidéo ici.
Illustration : © Noir sur Blanc
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