Marie-Charlotte Deucher (E12), metteuse en scène : « Le rire peut soigner les esprits »
Marie-Charlotte Deucher (E12), metteuse en scène et comédienne, présente son premier spectacle, La Bascule, à l’Espace Beaujon à Paris, du 23 janvier au 3 février. Elle nous parle de son travail – et de comment elle a opéré sa propre bascule, du monde de l’entreprise à celui du théâtre.
ESSEC Alumni : Que raconte La Bascule ?
Marie-Charlotte Deucher : Quatre amis d’enfance trentenaires… Un réveillon d’été le 31 juillet comme une tradition aussi absurde qu’incontournable… Un train en panne au milieu de la nuit… Avec humour et légèreté, et des personnages bien trempés, La Bascule vous emportera dans une fresque de vie, comme une succession de bascules vers de nouveaux choix et un nouveau regard sur le monde.
EA : Comment vous est venue l'idée de ce texte ?
M-C. Deucher : Le concept même de « la bascule » a réellement existé : c’est une tradition inventée par les parents d’un des membres clés de la troupe – au cours de leur jeunesse. L'intrigue, les personnages et le train comme unité de lieu se sont ensuite construits au fur et à mesure, inspirés de rencontres et d'événements aussi bien marquants qu'anecdotiques dont mon entourage et moi avons pu faire l'expérience ces dernières années à l'approche de la trentaine.
EA : Quel message souhaitez-vous faire passer ?
M-C. Deucher : Le propos de La Bascule est avant tout de dépeindre les remises en cause existentielles qui nous frappent tous d'une manière ou d'une autre à différents moments de notre vie. Aujourd’hui plus que jamais, cet âge charnière entre l'insouciance de la jeunesse et la prise en main d'une vie adulte choisie est le déclencheur d'une série de doutes sur sa vie amoureuse, professionnelle et amicale. Faire sa bascule, c’est chercher à l’intérieur de soi et – grâce au regard lucide et bienveillant de nos proches – qui l'on est vraiment, ce qu’on veut faire de sa vie, puis agir pour y arriver. Autrement dit, une interprétation contemporaine du « Connais-toi toi-même », porte d'entrée de la maturité et de l'épanouissement personnel.
EA : Vous inscrivez-vous plutôt dans la comédie ou la fresque sociale ?
M-C. Deucher : La Bascule s’inscrit dans la tradition des vaudevilles : rythme, quiproquo, humour de situation, intermèdes musicaux et chorégraphies. Le choix de la comédie est délibéré, l'objectif étant, par le biais de l'humour, d'aborder les sujets socio-psychologiques qui me tiennent à cœur. J'ai pour conviction que le rire peut soigner les esprits et colorer la morosité du quotidien. Ma mission, bien qu’ambitieuse, est donc ici ainsi que dans mes projets futurs de faire en sorte que les spectateurs sortent plus heureux du théâtre qu'ils n'y sont entrés, allégés par la dérision avec laquelle les sujets sont traités et même plus attentifs à l'esprit créatif qui sommeille en eux. Et puis qu'est-ce que la langue de Molière, sinon l'outil par excellence de la comédie et de la satire sociale ?
EA : Comment en êtes-vous venue au jeu, à la mise en scène et à l'écriture après l'ESSEC ?
M-C. Deucher : J’ai découvert les joies de la scène à l’ESSEC, en intégrant l'association MUSICAL ESSEC plusieurs années consécutives et notamment en écrivant et en mettant en scène la comédie musicale Trahisons en tous genres jouée aux Folies Bergère en 2009. La passion du théâtre ne m’a plus quittée depuis. Après l’ESSEC, je me suis formée aux techniques du métier d’acteur grâce à l’Atelier Fanny Vallon, et j'ai exploré d'autres univers tels que ceux des méthodes américaines Meisner. Après quatre années à parcourir le monde dans la finance, de retour à Paris, j’ai pris la décision de faire du théâtre mon métier. J’ai alors suivi deux années de formation au sein de l’école d’art dramatique de Jean-Laurent Cochet, puis me suis lancée dans le projet de La Bascule.
EA : Pourquoi avoir fait le choix de créer votre propre troupe ?
M-C. Deucher : Le métier de comédien est un métier solitaire, fait de périodes de creux, de recherches et d’attentes des rôles. À la sortie de mon école de théâtre, je n’ai pas attendu. Créer une troupe place le travail collectif au cœur de la création. L’émulation du groupe, la confrontation des talents et des idées contribuent à tirer un projet vers le haut – d’où le nom de ma compagnie, « Ça tire vers le haut ». Réussir à créer une troupe pérenne dans le temps serait la plus belle des réussites.
EA : Travailler avec une troupe revient-il à manager une équipe ? Et monter un spectacle, à monter une entreprise ?
M-C. Deucher : Complètement. Monter une pièce c’est créer – à partir d’une idée initiale – une petite entreprise. Au delà de la création (écriture, mise en scène, sons et lumières, décor), il y a tous les autres aspects à gérer, propres à l’entreprise – aspects opérationnels et logistiques (organiser les répétitions, trouver une programmation), administratifs, financiers et légaux (trouver des financements, gérer son budget, créer une compagnie de théâtre), de marketing, de communication…
Sans oublier l’aspect le plus important : l’humain. Le rôle du metteur en scène d’une jeune compagnie me paraît comparable à celui de manager d’une start-up naissante. L’incertitude et la prise de risque étant grandes, il faut œuvrer chaque jour pour souder la troupe. Il s'agit de savoir repérer les compétences spécifiques à chaque comédien et de les exploiter le mieux possible, de façon à non seulement les impliquer dans le projet pour qu'ils se l'approprient, mais surtout pour leur donner une confiance aveugle en eux-mêmes ainsi qu'en chacun des autres membres de la troupe, car seul le travail d'équipe permet d’aboutir à un bon résultat final !
EA : Le fait d’être diplômée de l’ESSEC vous a-t-il aidée dans votre parcours ?
M-C. Deucher : Beaucoup. Je mentionnerais en priorité les amis que j'ai eu la chance de rencontrer au cours de mes études à l’ESSEC – notamment mes partenaires de Musical ESSEC – qui font partie de mes premiers soutiens et me donnent la force d’avancer tous les jours ! Aborder un projet artistique sous un angle business apporte en outre une rigueur et un pragmatisme qui constituent un avantage non négligeable dans la gestion d'un tel projet. Ceci me singularise d'ailleurs de beaucoup d'autres comédiens et fait le plus grand bonheur des membres de ma troupe. Sans oublier notre « esprit pionnier », maintenant presque inscrit dans mon ADN, qui me pousse à persévérer.
EA : Comment les ESSEC peuvent-ils soutenir votre projet ?
M-C. Deucher : D’abord en venant nous voir sur les planches bien évidemment, ensuite en nous donnant leur avis. La création est une quête perpétuelle de perfectionnement… Nous nous produisons pour le moment au théâtre de l'Espace Beaujon (Paris 8ème) qui sélectionne de jeunes talents pour leur permettre de présenter leur création au grand public. Nous croyons aux aventures de La Bascule et au potentiel de notre compagnie. La force du réseau ESSEC peut nous être d'une aide précieuse pour relayer l'information et, qui sait, peut-être pour nous épauler dans la recherche de producteurs, de mécènes ou d’autres moyens de financement.
EA : Quels sont vos autres et / ou prochains projets ?
M-C. Deucher : Écrire et lancer une web-série. À suivre !
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E11)
Compagnie Ça tire vers le haut !
Espace Beaujon
208 rue du Faubourg Saint-Honoré
75 008 Paris
Représentations les 23, 25 et 30 janvier et les 1er et 2 février à 20h30, ainsi que le 3 février à 16h et 20h30
Pour réserver, cliquer ici.
Illustration : La troupe de La Bascule, dont Marie-Charlotte Deucher (3ème en partant de la gauche) © Marie-Caroline Allard (m-cie.com)
Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés