Reflets Mag #137 | Vincenzo Vinzi raconte 1 an de COVID à l’ESSEC
Dans Reflets Mag #137, Vincenzo Vinzi, directeur général du Groupe ESSEC, raconte comment l’école et les étudiants ont traversé l’année écoulée et fait face à la crise du COVID. On vous met l’article en accès libre… abonnez-vous pour lire le reste du numéro !
Reflets Magazine : En février 2020, la pandémie commence à se répandre dans le monde entier. Quel souvenir gardez-vous de cette période ?
Vincenzo Vinzi : Au début du mois de février 2020, l’ESSEC tenait son International Advisory Board à New York. L’un des participants, qui arrivait de Chine, a plaisanté en disant que, comme il était présent aux États-Unis depuis plus de 15 jours, il ne risquait pas de nous contaminer au COVID-19. Toute l’assemblée a ri. Personne n’avait conscience de la pandémie mondiale qui allait s’abattre sur le monde et paralyser nos vies pendant plus d’un an.
RM : Pour le Groupe ESSEC, comment cela a-t-il commencé ?
V. Vinzi : Au cours du mois de février, c’est par notre campus de Singapour que nous avons véritablement commencé à saisir la gravité de la situation, avec les mesures de prévention très fermes prises par le gouvernement local malgré un nombre réduit de cas. Au même moment, la France (et plus largement toute l’Europe) était encore confiante quant au caractère classique et somme toute bénin de cette pandémie. Au fil du mois, la situation s’est dégradée et la prise de conscience a eu lieu avec une diminution des échanges avec l’Asie, puis avec le premier cluster dans le Bas-Rhin suite à un rassemblement qui a démontré à quel point le virus se propageait massivement en très peu de temps. La situation s’est aussi dégradée dans le Nord de l’Italie, avec un premier confinement de quelques communes de Lombardie le 21 février, ce qui a commencé à inquiéter les dirigeants de l’enseignement supérieur qui, comme moi, étaient allés à Milan pour la Deans Conference de l’EFMD qui se tenait à la SDA Bocconi juste une semaine avant.
RM : Puis la menace s’est faite omniprésente. Comment la bataille s’est-elle organisée pour l’ESSEC ?
V. Vinzi : Tout s’est accéléré début mars, avec d’abord la possibilité donnée aux étudiants qui le souhaitaient de suivre les cours en distanciel. Nous étions alors le mercredi 11 mars, et le lendemain à 20 heures, le Président Emmanuel Macron allait annoncer le confinement, incluant la fermeture de tous les établissements scolaires. Le 13 mars, tout le comex de l’école s’est réuni pendant 12 heures dans mon bureau sur le campus de Cergy. Ce fut une journée mémorable de mobilisation et de gestion de crise, où tous les participants surent faire preuve de flegme et de responsabilité.
RM : Aviez-vous alors conscience des implications ? Comment avez-vous réagi ?
V. Vinzi : Nous ignorions alors que c’était la dernière fois que nous nous réunissions tous ensemble en présentiel. Nous avions cependant tous conscience de la gravité de la situation, et les consignes étaient suffisamment claires pour que nous décidions très rapidement que tous les cours en France basculeraient vers le distanciel, immédiatement pour la formation continue et après une semaine de battement pour la formation pré-expérience, afin de permettre aux étudiants qui le pouvaient de rentrer chez eux. L’enjeu était d’arriver à communiquer les mesures de manière claire, précise et exhaustive à la grande diversité des acteurs qui font une école comme l’ESSEC : étudiants, participants, professeurs, salariés-personnel-collaborateurs, intervenants, alumni, partenaires…
RM : Quelles ont été vos priorités ?
V. Vinzi : Dès ce moment-là, il était pour moi important que cette crise sans précédent soit une occasion d’innover et d’évoluer vers un modèle innovant, incluant de nouvelles méthodes d'apprentissage et d’évaluation à distance, notamment via notre campus numérique augmenté que nous avions lancé un an auparavant, en février 2019, et qui nous a permis de nous adapter rapidement aux nouvelles modalités en distanciel. Je tenais aussi à ce que ce soit l’occasion pour la communauté ESSEC de s’unir et de montrer ses valeurs de responsabilité, d'humanisme, et son engagement citoyen. J’étais et je reste convaincu que les périodes de crise ne doivent pas être subies mais appellent au contraire à l’action pour avoir un impact positif. La suite des événements allait me montrer que j’avais fait le bon choix de parier sur l’engagement et la responsabilité de notre communauté. Nous n’étions pourtant pas au bout de nos peines.
RM : Quid de la situation pour les campus du groupe en dehors de France ?
V. Vinzi : À peine avions-nous terminé de communiquer sur les mesures pour les campus de Cergy et de La Défense que le Maroc annonçait la fermeture de ses frontières. Quelques semaines plus tard, c’était au tour de Singapour de mettre en place un « circuit breaker » proche du confinement strict tel qu’instauré en France. Tous les campus de l’ESSEC étaient alors fermés aux formations. Toute la communauté était à distance. Il était donc plus impératif que jamais de maintenir le lien entre tous les membres de notre école-monde présents sur trois continents.
RM : Comment avez-vous répondu à cet impératif de maintenir le lien ?
V. Vinzi : Pour que les membres de notre communauté restent connectés les uns aux autres, j’ai enregistré chaque semaine à partir du 27 mars une vidéo depuis le balcon de mon domicile, qui était envoyée le vendredi à l’ensemble de la communauté, en français et en anglais. Ces vidéos hebdomadaires avaient pour objectif de maintenir du lien en donnant du sens autour de notre raison d’être une institution d’enseignement supérieur et de recherche. En effet, dans une période de crise, être dans une grande école qui œuvre à la création et à la transmission des savoirs est une chance, car c’est être membre d’une communauté chargée de répondre aux questions et aux nouveaux modèles. Nous avons aussi mis en place des dispositifs RH autour du bien-être, et une charte du télétravail pour s’assurer que chacun ait le droit à la déconnexion et pour garder un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
RM : Les campus étaient-ils totalement vides ?
V. Vinzi : Les campus n’ont jamais été complètement fermés, y compris durant le premier confinement très strict, mais tournaient au strict minimum (entretien, courrier…). J’y suis retourné pour la première fois le 11 mai, juste après la sortie du confinement. Jusqu'aux vacances d’été, nous avions fait le choix de laisser aux salariés éligibles au télétravail la possibilité de venir en présentiel au maximum deux jours par semaine, tandis que l’année académique allait se terminer à distance pour les étudiants. Je me souviens de ces semaines jusqu’à juillet, avec le beau temps d’un printemps qui n’avait jamais été aussi doux et des campus aussi peu animés. On se serait cru en plein mois d’août alors qu’en distanciel les cours, puis les examens, battaient leur plein, et que les professeurs et les collaborateurs travaillaient sans relâche. C’était un peu irréel, et cela faisait mal au cœur car, pour une communauté académique, voir les étudiants et participants sur les campus fait partie de notre raison d’être et donne du sens au travail pour lequel nous nous levons chaque matin.
RM : Sans beaucoup plus d’informations sur la suite, quelles adaptations avez-vous mises en place ?
V. Vinzi : Cette période a été une période intense pour préparer la rentrée de septembre. À l’ESSEC, j’ai décidé d’investir 2,5 millions d’euros pour équiper toutes les salles en matériel de « dual teaching » durant l’été, et c’est un véritable tour de force qu’ont accompli les équipes pour qu’à la rentrée de septembre tous nos campus puissent faire de l’enseignement mixte présentiel/distanciel. Il faut aussi saluer l’important investissement qu’ont fait les professeurs pour leur pédagogie, en s’adaptant en quelques mois pour maîtriser à la fois l’enseignement 100 % à distance et l’enseignement dual, qui sont deux modalités totalement différentes. Encore une fois, c’est l’engagement de la communauté qui a permis que l’expérience ESSEC reste toujours qualitative. Et de préparer une rentrée qui s’annonçait inédite.
RM : Peut-on dire que la rentrée s’est faite dans une certaine normalité ?
V. Vinzi : Lorsque la rentrée des différents programmes a commencé au mois de septembre, la première satisfaction était que la plupart des étudiants internationaux avaient pu arriver sur place, que ce soit en France, à Singapour ou au Maroc. À Cergy, nous avons mis en place une jauge de 50 % pour l’occupation de chaque salle de cours, les étudiants faisant une semaine en présentiel, une semaine en distanciel. Ce système fonctionnait très bien, avec un très bon respect des gestes barrières sur nos campus, qui sont certainement parmi les endroits les plus sûrs qui soient contre les contaminations, grâce aux investissements importants en matériel sanitaire (près de 300 000 euros), mais aussi et surtout grâce au sens des responsabilités de chacune et chacun.
RM : Ce semblant de normalité s’est malheureusement arrêté brutalement pour la seconde fois fin octobre, avec le reconfinement et la refermeture des campus aux formations…
V. Vinzi : Nous avons alors de nouveau été à distance. Ce passage s’est fait de manière plus rapide, grâce à l’expérience acquise lors du premier confinement, mais sans illusion non plus sur le fait que rien ne rouvrirait avant les vacances de Noël. Ce n’est que le 8 février que les étudiants ont pu commencer à revenir petit à petit sur le campus pour suivre des cours, avec une jauge maximale de 20 % de présents sur le campus. Ce sont a minima deux années académiques qui n’auront ressemblé à aucune autre. Et qui laisseront place à de nouvelles habitudes et de nouvelles modalités pédagogiques tirant le meilleur parti du digital et du présentiel pour en faire des expériences non pas substitutives, mais complémentaires : une nouvelle normalité pour l’enseignement supérieur.
RM : Comment vos étudiants et participants vivent-ils la situation sur et en dehors de vos campus ?
V. Vinzi : Nous sommes très attentifs au bien-être de nos étudiants et participants, dans une situation où l’isolement peut avoir des conséquences psychiques importantes sur leur santé. C’est pour cela que j’ai tenu à ce que nous favorisions au maximum la possibilité pour eux de pouvoir se rendre partiellement sur le campus, avec la modalité en « dual teaching », à partir d'août 2020. La conjonction des mesures sanitaires prises sur les campus, des investissements technologiques consentis et du comportement responsable des étudiants et participants, a permis de trouver un bon équilibre pour offrir une vie pédagogique dans des conditions de sécurité renforcée.
RM : Les conséquences psychologiques ont été malgré tout terribles pour beaucoup…
V. Vinzi : Bien évidemment, les différents confinements, en France notamment, nous ont contraints à fermer nos établissements à deux reprises, pendant de longues semaines. Cela a pu être difficile à vivre, pour les étudiants dans nos résidences loin de leurs proches, mais également pour ceux qui sont rentrés dans leurs familles. Ce retour a pu exacerber ou révéler des problématiques d’isolement, d’inégalités d’accès à l’informatique ou de capacités financières, d’incertitude face à l’avenir, tout en confrontant les étudiants à la manière dont les autres membres de la famille étaient impactés. Pour les accompagner au mieux, nous nous sommes donc appuyés sur nos deux psychologues et notre infirmière des étudiants de l’école (voir l’article d’ESSEC Alumni sur le sujet en cliquant ici), qui ont fait un remarquable travail d’écoute, mais également de pédagogie pour aider les étudiants à déceler des signes de détresse chez leurs camarades. Je suis très fier de la solidarité dont ils ont fait preuve les uns envers les autres, notamment dans les résidences. Nous avons également un organisme partenaire disponible pour accompagner les étudiants à l’étranger.
RM : Aujourd’hui, comment gérez-vous au quotidien la situation sanitaire ?
V. Vinzi : L’ensemble des moyens engagés nous permet de surmonter au quotidien cette crise inédite pour l’école, sans constater un nombre important de cas positifs au COVID-19 au sein de notre communauté. Dès mars 2020, une cellule de crise dédiée avait été mise en place pour la mise en œuvre des préconisations sanitaires et la coordination au niveau du groupe sur ces sujets, ainsi que l'équipement des campus en matériel sanitaire. Puis en septembre, l'ESSEC a constitué une cellule COVID de trois personnes dont une infirmière. Cette équipe répond aux sollicitations des étudiants et des salariés, gère les mises en isolement et l'identification des cas contacts. Elle travaille en étroite relation avec l'ARS du Val-d'Oise. Tous les étudiants et salariés peuvent se faire dépister gratuitement sur le centre de test ouvert début février sur le campus. Cette stratégie complète nous permet d’offrir un environnement sûr à nos étudiants et participants.
Découvrez aussi un bilan en images de l'année écoulée à l'ESSEC !
Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets ESSEC Magazine
Paru dans Reflets Mag #137. Pour voir un preview cliquer ici. Pour recevoir les prochains numéros du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.
Image : © Christophe Meireis
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