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Reflets Mag #149 | Le conseil à l’heure des grandes mutations

Interviews

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11/07/2023

Dans Reflets Mag #149, Arnaud Gangloff (E92), président-directeur général du cabinet de conseil en stratégie et transformation Kéa, co-auteur de l'essai L'Entreprise face à sa responsabilité et membre du conseil d'administration d'ESSEC Alumni depuis 2022, évoque le métier de consultant, la nécessaire transformation de l'entreprise et son rôle en tant qu'acteur incontournable de la transition écologique et sociale. Découvrez des extraits de l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Reflets Magazine : Comment se porte le marché du conseil aujourd'hui en France ?

A. Gangloff : Plutôt pas mal, c'est un secteur qui continue à avoir une forte croissance et qui a passé sans trop de dégâts la période de la pandémie. Il est vrai qu'historiquement le marché du conseil français ramené au PIB est plus faible que dans les pays anglo-saxons, il est à peu près moitié moindre que celui de l'Allemagne ou de l’Angleterre. Pour autant, c'est un secteur qui connaît des croissances à deux chiffres depuis plusieurs années, qui est globalement sur une très forte dynamique et qui continue à attirer les jeunes talents.

RM : Vous ne rencontrez donc pas de difficultés particulières en termes de recrutement de nouveaux talents...

A. Gangloff : Factuellement, je dirais que non. Nous sommes un secteur qui croît de 10 % chaque année en termes d'effectifs. Pour autant, il est vrai que nous connaissons un taux d'attrition important, de l'ordre de 15 à 20 % au cours des trois ou quatre premières années de carrière. Il est vrai aussi que la période du Covid fut de ce point de vue assez délicate à gérer, beaucoup de nos collaborateurs se posant la question de savoir si ce n'était pas là l'occasion de changer de secteur d'activité, par choix de vie personnelle, notamment en ce qui concerne le lieu de résidence, Paris ou la province. D'autant que notre activité au sein du cabinet ne nous permettait pas de développer le télétravail, tout simplement parce que la pertinence de nos recommandations auprès de nos clients ne suffit pas. Il est indispensable pour nous de développer de l'intimité, une relation de confiance, selon nous la qualité du dossier n'est pas suffisante, nous tenons à apporter un supplément d'engagement. La présence, le contact et l'interrelation avec nos clients sont pour nous des éléments primordiaux. Donc pour résumer, le taux d'attrition au cours des premières années de carrière est à peu près le même qu'au cours des années précédentes, il est un peu plus important qu'avant en ce qui concerne les carrières allant de quatre à dix ans. Mais de manière générale, le secteur continue à conserver un bon tiers de collaborateurs qui se projettent dans une carrière dans le conseil. C'est un élément particulièrement important chez nous, car nous sommes très attachés à la notion de transmission.

RM : Quel est le rapport au sens de la part de la jeune génération de consultants ?

A. Gangloff : Il s'agit d'une question fondamentale. Je l'avais déjà exprimé il y a quelques années dans Les Échos, je pense que notre métier prend un risque énorme de commoditisation. On ne peut pas expliquer à nos collaborateurs que nous allons donner du sens à leur travail au prétexte qu'ils évoluent dans de beaux locaux, avec une salle de sport et la présence d'un baby-foot. Il faut créer un cabinet dans lequel les consultants comprennent le sens de la structure qui les emploie et qui se préoccupe de donner un sens à leur travail. Quelques jours avant le confinement, nous avons décidé de faire évoluer les statuts du cabinet pour devenir une société à mission, nous étions alors le premier cabinet européen de conseil en stratégie à le faire. Une étude toute récente nous indique que, depuis cette date, 97 % de nos collaborateurs affirment avoir le sentiment d'être en ligne dans leur activité quotidienne avec la mission Kéa.

RM : Le métier de conseil a-t-il connu de grands changements depuis une dizaine ou une vingtaine d'années ?

A. Gangloff : Cela reste un métier dit de prestation intellectuelle. Je pense donc qu'il nous faut nous assurer au quotidien que nous apportons à nos clients une plus-value d'intelligence, qu'il s'agisse d'apport de méthode, de point de vue sur des éléments de fond ou de valeur. Ce qui a en revanche changé, c'est que nos clients ont notoirement progressé sur un certain nombre de fondamentaux, comme la gestion de projet, ce qui était le quotidien du conseil il y a encore quelques années. Aujourd'hui, notre valeur ajoutée se trouve donc ailleurs. Ensuite, les enjeux de transformation de nos clients, que cela soit lié à la question de la soutenabilité ou aux problématiques digitales, de data ou de technologies, sont désormais très spécifiques à la nature de leur business model ou de leur modèle économique. Le métier de consultant ne peut donc plus se permettre d'être généraliste ou transversal sur ces questions. Dans notre segment qui est celui du conseil de directions générales, notre conviction est que nous avons besoin d'une expertise sectorielle significativement plus forte qu'il y a quelques années.

RM : Les entreprises sont-elles aujourd'hui obligées de réfléchir à un autre modèle d'affaires pour accompagner leur transformation ?

A. Gangloff : Elles n'ont pas le choix, les modèles actuels ne sont clairement plus adaptés. Aujourd'hui, les questions RSE, ESG et autres ne peuvent plus être quelque chose d'à côté. Tout simplement parce que les entreprises sont au cœur de la transformation, un agent de changement absolument majeur si l'on veut faire évoluer la société. Il n'y a donc pas d'alternative au fait de faire bouger les modèles d’affaires pour aller vers des modèles moins extractifs, des modèles régénératifs, des modèles soucieux de la planète qui nous accueille. Il faut donc revoir de fond en comble la vision même de la performance, que les actionnaires ou toutes formes de parties prenantes aient la même conviction dans leur allocation de ressources et la validation des stratégies d'entreprises. On ne peut plus faire autrement. L'entreprise a désormais une responsabilité qui dépasse sa seule responsabilité économique et financière, elle est un acteur sociétal qui, en se transformant, transforme la société.

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag

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