Reflets Mag #155 | Didier Desert (E86) : L’appétit vient en manageant
Entrée, plat, dessert : dans Reflets #155, Didier Desert (E86) raconte avoir eu trois vies. La première, dans des fonctions opérationnelles. La deuxième, dans le conseil. Et la troisième, dans son restaurant L’Ambassade d’Auvergne. Découvrez l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !
« Mon père et ma mère étaient VRP. J’ai passé toute mon enfance à les suivre sur les foires et marchés. » Didier Desert attribue à ces premières expériences sa décision, après l’ESSEC, de rejoindre Xerox à un poste de commercial plutôt que de s’orienter vers la grande consommation ou la finance comme la plupart de ses camarades. « Mes parents en revanche n’ont pas compris : toutes ces études pour faire le même job qu’eux ! »
Il ne tarde cependant pas à gravir les échelons. « En l’espace de deux ans, j’ai initié et piloté la mise en place de la télévente dans la filiale française – une première mondiale pour le groupe et une pratique encore embryonnaire au début des années 1990. »
Le goût de l’innovation
Tout le parcours de Didier Desert est guidé par l’envie d’apprendre. « Dès mes études, j’ai cumulé les cursus : je suis aussi diplômé de Sciences Po. Puis au fil de ma carrière, j’ai changé d’entreprise, de secteur et de métier très fréquemment. »
Après le monde des photocopieuses et des imprimantes, il s’associe avec des camarades pour lancer une start-up dans la distribution de matériel médical. Puis il intègre le laboratoire Glaxo en tant que directeur régional et prend vite en charge la formation continue des visiteurs médicaux. « J’y suis allé au culot. Dans leur annonce, ils disaient chercher des professionnels de l’industrie pharmaceutique en promettant de les former au management. Dans ma lettre de candidature, j’ai répondu que j’étais un professionnel du management désireux de découvrir l’industrie pharmaceutique. J’ai eu la chance de tomber sur un directeur qui cherchait justement à diversifier ses effectifs. »
Il bifurque ensuite en marketing direct chez Cegedim, qui propose des solutions de gestion dans la santé, avant de prendre la direction générale d’un petit fournisseur de blocs d’ordonnances. « Cette fonction m’a ouvert les portes de Vivendi qui a racheté la boîte et m’a confié la direction générale d’une division spécialisée dans la presse et l’édition médicales. »
À la même époque, il est élu en parallèle président d’ESSEC Alumni. « Je fais partie de l’équipe qui a rendu possible l’acquisition de la première Maison des ESSEC à Paris. » Il contribue en outre à la création du concours Tremplin Entreprises, en cheville avec le Sénat, qui récompense des projets innovants dans les domaines technologiques et scientifiques – et qui connaîtra plus de 15 éditions, attirant à chaque fois plusieurs centaines de candidatures.
C’est aussi dans ce cadre qu’il est repéré par Ernst & Young, partenaire de l’opération. Recruté pour intervenir auprès des PME, il décroche bientôt le grade d’associé et monte une practice autour de la conduite du changement et de la performance RH avec une équipe de 30 collaborateurs. « Cette fois, je suis resté 12 ans. J’ai remplacé la diversité des employeurs par celle des missions. »
Du pain sur la planche
L’envie de nouveauté rattrape Didier Desert au seuil de la cinquantaine. « Pour mon anniversaire, mes filles m’ont offert un stage à l’école Ferrandi. Si je cuisinais déjà en amateur depuis une dizaine d’années, j’ai découvert pendant trois semaines l’univers de la cuisine professionnelle, toutes les techniques qu’on enseigne en CAP. » Un déclic : plus qu’une bifurcation, il enclenche alors une véritable reconversion. « Je me suis mis à la recherche d’un restaurant à reprendre. »
Il jette son dévolu sur L’Ambassade d’Auvergne. « Il s’agissait d’une belle endormie. L’établissement existait depuis 1966 et accueillait à la grande époque des célébrités, des présidents de la République. Mais il avait perdu de sa superbe. D’un côté, il fallait être un novice comme moi pour croire qu’il était possible de le relancer. De l’autre, j’ai ainsi pu l’obtenir à un prix raisonnable. »
Et contre toute attente, il réussit son pari. Rapidement, qui plus est. « Au début, je pensais prendre un an d’observation avant de mettre la main à la pâte. Mais au bout de quelques jours, je commençais à renverser la table… » Il recentre l’offre sur la qualité. « J’ai augmenté le ticket moyen, d’une part pour affirmer notre positionnement, d’autre part pour améliorer nos produits. » Il parcourt inlassablement la région dont son enseigne porte le nom pour identifier les meilleurs fournisseurs, agriculteurs et vignerons, au point de publier un livre dédié, Vins d’Auvergne et du Massif central, aux éditions de la Flandonnière. « La sauce a pris : nous avons retrouvé notre clientèle et nous atteignons désormais notre jauge 7 jours sur 7. Nous avons même eu l’honneur de recevoir l’empereur du Japon ! »
Cependant, sa plus grande satisfaction est peut-être d’avoir acquis le respect de ses pairs. En plus d’appuyer ses équipes en salle et parfois en cuisine aux côtés de son chef qui a 25 ans de maison, il affiche désormais le statut de maître restaurateur, titre d’État délivré après audit tous les quatre ans et gage d’excellence. « Nous sommes seulement 3 000 en France. » Il a même rejoint leur association nationale, dont il a occupé la vice-présidence. « Pendant la crise du Covid, j’ai joué le rôle de porte-parole pour toute la corporation dans ce moment difficile. » Autre adoubement : il est également membre du Collège culinaire de France, créé par des personnalités comme Alain Ducasse et Joël Robuchon ou encore Guy Savoy. « Nous militons sur tout le territoire pour construire une alternative à l’industrialisation et la standardisation de nos repas, à l’heure où 50 % des restaurants parisiens se contentent de réchauffer des plats tout faits ! »
La fin des haricots
Pourtant, aujourd’hui, Didier Desert s’avère prêt à raccrocher la toque. « Je mène des négociations pour la cession de mon fonds de commerce. » L’affaire tourne bien mais la fatigue pointe. « Ce travail pèse sur le physique mais aussi sur la vie sociale : difficile d’inviter les amis à la maison le samedi soir… »
Toutefois, il ne compte pas se retirer totalement des fourneaux. « J’ai récemment été nommé conseiller gastronomie du président de Rungis, Stéphane Layani. » Il s’amuse à voir dans ses nouvelles responsabilités la parfaite fusion entre son passé dans le conseil et son expertise de l’alimentation. Avec toujours la même ambition : trouver la recette du succès.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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