Retour aux actualités
Article suivant
Article précédent

Serge Hayat (E86) : « Le streaming littéraire va vous redonner envie de lire »

Interviews

-

31/08/2021

L’entrepreneur Serge Hayat (E86) multiplie les casquettes dans le monde du cinéma, de l’audiovisuel et de l’édition. Son nouveau projet, à la croisée de ces différents univers : le streaming littéraire. Explications. 

ESSEC Alumni : Pouvez-vous nous présenter vos activités ? 

Serge Hayat : Je dirige Cinémage, un fonds d’investissement dans le cinéma, et je suis associé de Federation Entertainment, un studio de production de séries TV (Le bureau des légendes, En thérapie), ainsi que d’Echo Studio, qui produit des films inspirant le changement et incitant à l’action sur les grands enjeux de la planète (Demain est à nous). Et je suis aussi auteur à mes heures !

EA : En quoi consiste votre nouveau projet, Rocambole ?

S. Hayat : Il s’agit de la première plateforme européenne de streaming littéraire : des séries à lire, 100 % originales et exclusives, par épisodes de 5 minutes. Un format conçu dès le départ pour un usage sur écran de smartphone ou de tablette, avec une ergonomie qui ressemble à celle de Netflix. Nous comptons déjà près de 200 séries sur la plateforme, dans tous les genres et pour tous les goûts – romance, policier, historique, sport, cuisine, société, femmes inspirantes… Objectif : (re)donner le plaisir de lire à celles et ceux qui l’ont perdu, jamais connu ou qui n’ont plus le temps. Avec Rocambole, ils peuvent s’évader, le temps d’un trajet ou en attendant le métro, et découvrir des talents littéraires émergents. 

EA : Vous misez donc sur l’essor de la lecture numérique…

S. Hayat : La lecture numérique dont on parle depuis des années n’a jamais vraiment décollé car elle s’est bornée à dupliquer des livres physiques sur support électronique. En développant un modèle spécifique, nous craquons l’équation !

EA : Pourquoi passer de la production audiovisuelle à l’édition littéraire ? 

S. Hayat : Je ne passe pas de l’un à l’autre, je continue de travailler sur les deux environnements parce qu’ils sont complémentaires ! Les perspectives de développement de Rocambole dans le monde de l’audiovisuel et du cinéma, que je connais bien, sont énormes, car les diffuseurs et notamment les plateformes cherchent toujours plus de contenus. Nous détenons les droits de nos séries, nous pouvons donc les adapter sur tous supports – après avoir testé leur efficacité auprès de nos utilisateurs. 

EA : Comment décririez-vous vos séries ?

S. Hayat : Nos séries sont écrites par des auteurs talentueux, souvent jeunes, avec cette « French Touch » qui fait le charme de la création hexagonale. Ce qui ne les empêche pas de reprendre aussi les codes dramaturgiques utilisés dans les « writing rooms » anglo-saxonnes, dont le modèle irrigue notre processus d’écriture. En amont de la rédaction, nos auteurs et nos éditeurs travaillent sur le rythme, les arches narratives et les personnages pour leur donner la densité nécessaire. C’est pour ça qu’elles sont efficaces ! 

EA : Jusqu’ici, comment est reçue l’offre de Rocambole ? 

S. Hayat : Nous avons déjà convaincu plus de 70 000 utilisateurs et enregistrons une croissance mensuelle supérieure à 20 %. Un épisode est lu sur notre plateforme toutes les 20 secondes. 25 % de nos séries font déjà davantage d’audience que le tirage des premiers romans dans l’édition classique. Et les deux tiers de nos utilisateurs affirment lire plus depuis qu’ils nous ont découvert…

EA : Cette offre est-elle unique sur le marché, ou s’inscrit-elle dans un mouvement plus large – voire dans l’émergence d’un nouveau segment de la fiction ?

S. Hayat : Notre offre est unique en Europe. Il existe d’autres plateformes aux États-Unis et en Asie qui proposent des contenus à lire avec la même philosophie, mais à mon sens avec une rigueur moindre. Rocambole se veut une véritable maison d’édition, tout aussi exigeante et sélective que les maisons traditionnelles. 

EA : Avez-vous identifié des profils types parmi vos lecteurs ? S’agit-il de nouveaux consommateurs de contenus, qui viennent à la fiction par ce format ? 

S. Hayat : Avant tout, beaucoup de nos lecteurs sont des lectrices : plus de 70 % des inscrits s’identifient en tant que femmes, ce qui n’est en soi pas étonnant puisqu’on retrouve à peu de choses près la même démographie en librairie. Ce qui est marquant en revanche, c’est que l’écrasante majorité d’entre elles ont entre 18 et 30 ans. Forcément, les « digital natives » répondent le mieux à notre format numérique. Cependant ces « digital natives » là sont déjà par ailleurs de grands lecteurs de livres papier. Il semble que nous leur plaisons d’abord parce que nous leur permettons de caser de petits moments de lecture partout où ils peuvent. Mais nous recevons aussi des témoignages d’utilisateurs nous disant se réapproprier un usage qu’ils pensaient ne pas être fait pour eux. C’est gratifiant en tant qu’entreprise culturelle, mais aussi très intéressant, car cela tend à nous conforter dans notre conviction que le format sériel deviendra prépondérant en littérature dans les prochaines années. 

EA : Avez-vous identifié des formats ou des thèmes particulièrement porteurs ? Quelles sont vos séries à succès ?

S. Hayat : Certains genres fonctionnent plus que d’autres sur Rocambole. C’est le cas de la romance, de l’historique, du polar, du thriller, mais aussi des portraits documentaires. Quant aux thèmes qui accrochent, ils sont le reflet de la société dans laquelle nous vivons – et nous gardons les oreilles et les yeux grands ouverts pour y déceler les sujets qui interpellent, intéressent, suscitent le débat. Par exemple, l’un de nos plus grands succès des derniers mois, Invisible, traite du phénomène du harcèlement sur les réseaux sociaux, tout comme Buzz mortel met en scène des influenceurs stars dans un contexte à la Agatha Christie. Notre série La Dame du jeu a fait également écho au succès Netflix du Jeu de la Dame, en dressant le portrait d’une véritable championne d’échecs, Judit Polgar. La réactivité est la clef pour un catalogue qui parle à une génération hyper-connectée.

EA : À terme, imaginez-vous une déclinaison de vos séries en format papier ?

S. Hayat : Nous avons déjà publié des séries au format papier. Et travaillé avec des auteurs comme Laure Manel en collaboration avec son éditeur Michel Lafon pour produire des contenus sur Rocambole. Nous sommes en pleine complémentarité avec l’édition traditionnelle. 


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

Vous avez aimé cet article ? Pour que nous puissions continuer à vous proposer des contenus sur les ESSEC et leurs actualités, adhérez à ESSEC Alumni !

1 J'aime
1275 vues Visites
Partager sur

Commentaires0

Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire

Articles suggérés

Interviews

Reflets Mag #154 | Nathalie Joffre (E05) : l’art et la mémoire

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

12 novembre

Interviews

Sandrine Decauze Larbre (E09) : « Rien ne prépare à faire face à 30 élèves »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

12 novembre

Interviews

Mai Hua (E99) : « Mes docu-poèmes touchent à l'universel en explorant l'intime »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

12 novembre