Agnès de T’Serclaes (E00) et Yann Le Touher (E07) : « Nous luttons contre la fracture culturelle »
Agnès de T’Serclaes (E00) et Yann Le Touher (E07) occupent respectivement les postes de directrice générale adjointe et directeur des relations extérieures de la Fondation Art Explora qui s’engage pour rendre la culture accessible au plus grand nombre. Ils présentent leurs actions – et expliquent comment vous pouvez les soutenir.
ESSEC Alumni : Pouvez-vous résumer vos parcours respectifs ?
Agnès de T’Serclaes : Après de premières expériences au musée du Petit Palais et chez McKinsey, j’ai passé 12 années chez Procter&Gamble en marketing entre la France et l’Espagne. Puis je me suis installée en Colombie où j’ai créé la filiale latino-américaine de la start-up française Kidizz. Puis je suis rentrée à Paris pour rejoindre la Fondation Art Explora dont je suis aujourd’hui directrice générale adjointe.
Yann Le Touher : Également passé par l’École du Louvre, j’ai eu la chance de débuter dans les plus grands musées parisiens, Orsay, le Centre Pompidou, le Grand Palais, avant de travailler 7 ans au musée du Louvre en tant que sous-directeur du mécénat et des partenariats. J’ai récemment été nommé directeur des relations extérieures en charge de la communication et du mécénat de la Fondation Art Explora.
EA : Quelle est la mission de la Fondation Art Explora ?
A. de T’Serclaes : L’entrepreneur Frédéric Jousset a créé cette fondation en partant d’un constat : si l’offre culturelle est riche et abondante sous nos latitudes, la demande demeure bien trop concentrée ; seul un Français sur deux fréquente un musée chaque année. Et ce sont toujours les mêmes profils qui poussent les portes des institutions culturelles. Les barrières peuvent être géographiques, économiques, mais surtout sociales et psychologiques. Beaucoup de personnes se disent que ce n’est pas pour elles.
Y. Le Touher : La Fondation Art Explora agit donc pour lutter contre cette fracture culturelle et rendre l’art accessible au plus grand nombre. Il s’agit d’une fondation opératrice, c’est-à-dire qu’elle initie elle-même ses projets, pour lesquels elle mobilise artistes, organisations culturelles, acteurs de terrain et associations. Objectif : trouver ensemble des solutions innovantes permettant la rencontre avec la culture, cette émotion qui change le regard sur le monde et contribue au développement personnel et social.
EA : Vos actions se déploient sur plusieurs axes. Quels projets portez-vous autour des mobilités ?
Y. Le Touher : Nous soutenons notamment le MuMo (musée mobile), camion qui abrite une exposition réalisée avec des œuvres du Centre Pompidou et qui sillonne les routes de France pour apporter l’art en zone rurale et péri-urbaine. 50 % des étapes se situent dans des villages de moins de 2 000 habitants. Les scolaires constituent les cibles prioritaires – et les résultats sont là : 36 % des publics accueillis ne s’étaient jamais rendus dans un musée auparavant.
A. de T’Serclaes : 2024 marquera aussi le lancement du Festival Art Explora et son bateau-musée, qui débutera son itinérance en Méditerranée avec un premier baptême à Malte en mars avant une grande escale inaugurale prévue sur le Vieux-Port à Marseille en juin. À bord, le public découvrira une exposition immersive réalisée avec le musée du Louvre, et à quai, des expositions, des expériences de réalité virtuelle, des conférences, des concerts et autres spectacles vivants…
Y. Le Touher : Précisons que tous ces dispositifs sont gratuits – autre manière, outre la proximité, de rendre ces propositions culturelles plus accessibles.
EA : Et autour du numérique ?
Y. Le Touher : Nous développons Art Explora Academy, application de découverte d’histoire de l’art qui propose des parcours pour apprendre de façon ludique. Un certificat de Sorbonne Université est délivré pour celles et ceux qui vont au bout de ces séances de micro-learning à suivre chez soi ou dans les transports en commun. Nous voulons surtout augmenter significativement le nombre d’usagers, en particulier les jeunes et les étudiants mais aussi le grand public. Tout le monde a un smartphone aujourd’hui : plutôt que de swiper sur les réseaux sociaux ou faire défiler des actualités, téléchargeons l’application et cultivons-nous en 10 minutes !
EA : Quels liens entretenez-vous avec les institutions culturelles publiques ?
Y. Le Touher : J’en viens, donc nous les aimons beaucoup ! Plus sérieusement, nous n’existons pas en opposition aux institutions culturelles publiques, nous nous positionnons plutôt en complément. D’une part, nous les accueillons dans notre conseil d’administration puisque Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou, et Erol Ok, directeur général de l’Institut Français, y siègent. D’autre part, nous nouons de nombreux partenariats avec elles : nous avons déjà évoqué nos musées itinérants avec le Louvre et le Centre Pompidou, nous pouvons aussi mentionner nos programmes sociaux avec le musée des Beaux-Arts de Bordeaux, le Centre Pompidou-Metz ou encore le musée Carnavalet. Nous ne faisons rien sans les autres car nous travaillons tous pour l’intérêt général.
A. de T’Serclaes : En témoigne aussi le fait que le Conseil d’État a récemment acté notre passage de fonds de dotation en Fondation reconnue d’utilité publique (FRUP). Cette décision marque la pleine reconnaissance des pouvoirs publics pour notre engagement. Nous entrons ainsi dans un club assez restreint qui compte parmi ses membres la Fondation du Patrimoine, l’Institut Pasteur ou encore la Fondation Abbé Pierre.
EA : Comment financez-vous vos activités ?
A. de T’Serclaes : Le statut de FRUP nous donne la possibilité de mobiliser toutes les formes de soutien de la part de partenaires publics, de donateurs et de mécènes privés (réduction fiscale, IFI, legs…). Nous sollicitons donc la générosité de tous et toutes.
EA : Comment les alumni peuvent-ils vous soutenir ?
Y. Le Touher : Vous pouvez bien sûr nous faire un don à titre personnel ou via votre entreprise, qui en fonction sera déductible de l’IR, de l’IFI ou de l’IS. Vous pouvez aussi nous aider à lever des fonds ou encore offrir de votre temps en devenant bénévole.
EA : Comment devient-on bénévole pour la Fondation Art Explora ? Quel engagement cela réclame-t-il ?
A. de T’Serclaes : Aujourd’hui, nous comptons près de 2 000 bénévoles inscrits sur notre plateforme, retraités, étudiants ou actifs qui allouent chaque mois le temps qu’ils souhaitent à des missions variées : accompagnement de groupes dans des musées, discussions sur l’art dans des EHPAD, animation d’ateliers dans des centres de loisirs avec des enfants ou encore visites à l’hôpital pour amener l’art auprès des patients… Aucun diplôme n’est requis : il vous suffit d’aller sur l’onglet « Devenir bénévole » sur notre site et notre équipe vous contactera pour vous proposer une formation et des activités dans toute la France, à proximité de chez vous. « L’art nous fait du bien » : c’est notre conviction et c’est magnifique de pouvoir la vivre et la partager.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
Vous avez aimé cet article ? Pour que nous puissions continuer à vous proposer des contenus sur les ESSEC et leurs actualités, cotisez à ESSEC Alumni.
Image : © François Roelants
Commentaires0
Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire
Articles suggérés