KILAFEE n°13 – Novembre 2022 : Nicolas Decitre, quo non ascendam (bis repetita ou presque)
26/11/2022
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Je connais Nicolas depuis un bail. Il était assidu de nos soirées Alumni Essec Provence, il y a quoi, 10 ans ? Je me remémorais ce jeune ingénieur + MBA ESSEC, se reconvertissant à sa passion, la glace artisanale, que j’avais revu régulièrement à son échoppe, du moins jusqu’à Covid. Ma mémoire se joue de moi. Il a 52 ans, la quarantaine à l’époque. Il n’est pas non plus ingénieur. Je l’avais cru tant il est pointu sur les détails techniques. Mais non, il sort de Skema, à Sophia.
« Alors, qui es-tu ? » Ma plume s’approche de la page blanche. « J’ai un parcours de reconversion assez classique ». Je ne sais pas vous, mais moi, un quadra, bac + 5 et plus, en pleine possession de ses moyens professionnels et financiers, qui, en 2010, décide d’aller faire un CAP de glacier, c’était déjà tout sauf « assez classique », non ? Et aujourd’hui, ne serait-ce pas encore un peu précurseur… ?
Nicolas tâtonne. Par où se raconter, entre pitch et biographie. « J’ai énormément voyagé, dans plein de pays, pour obtenir des licences téléphoniques, je bossais chez Alcatel-Thomson, dans la téléphonie mobile ».
En 85, un ami prédécesseur de Nicolas m’avait prêté l’ancêtre, un "pager" qui me transmettrait des bips codés pour que je prenne la route d’Angers jusqu’à Paris dare-dare, si je voulais assister à la naissance de Louis. 1er signal, « attention » ; 2ème, « prêt… » ; 3ème signal : « partez ! ». Le Radiocom2000 m’était inaccessible, à 10000Frs l’abonnement, vous imaginez ? Mon ex- en avait dessiné le logo en silhouette de R25, avec le combiné d’un "téléphone portatif", cette valise fixée dans le coffre de la voiture de médecins itinérants (Itinéris, vous vous souvenez ?).
10 ans plus tard, la révolution des forfaits et la conquête. « C’était les débuts, le "Ola", ou "One-touch-easy", se vendait tout seul, je négociais avec les opérateurs pour des montants… significatifs. Là, j’ai appris à bosser ». Nicolas va de succès en succès. Une ascension à toute vitesse. « De 94 à 2000, commercial puis responsable export, bientôt directeur », réussissant l’objectif très challengeant de faire du profit sur des marchés en décroissance avec un produit à très faible marge. « Mon expérience la plus intéressante, pas de politique interne, pas d’enjeux, du management et du commerce, on voyait tout de suite le résultat ». 3 ans à vendre des conteneurs de téléphones filaires à $2,50 en Russie et sur une vaste zone. « C’est un peu comme dans la glace : si on veut gagner de l’argent, faut pas faire n’importe quoi ».
En 2004-2005, le jeune homme pressé approfondit avec un MBA Essec. « Pendant le week-end d’intégration, on nous faisait jongler avec trois balles qui symbolisaient la vie perso, la vie pro et les études. ». Prémonitoire… « En vrai, à part le diplôme, j’ai raté 2 balles sur 3… ». Hmm, ça sent la 3D… Divorce, Démission, Déprime, tout ça. Un burnout, à une époque qui n’avait pas le mot pour ces maux, pour conclure une promotion à un poste qu’il n’aurait pas dû accepter. Fin brutale du jeune directeur international qui monte.
Avanie, puis framboise. A quelque chose malheur est bon, il passe les 3 années suivantes dans une boite riche (bien payé la téléphonie, merci), s’installe à Marseille, qu’il choisit par passion de la planche à voile, des vagues et du vent. Il connaissait la ville. Stagiaire, il avait vendu des pépitos à La Rose (c’est pas le parfum, c’est le quartier !).
Naissance de sa Louise, en 2010. Fêtant ça à New York, il découvre un concept nouveau : un glacier urbain (*). L’éclair. La conviction qu’il va révolutionner le monde de la glace. Pôle Emploi l’inscrit au CAP de glacier-fabricant (**). « Le grand écart est hyper dur : je connaissais la violence feutrée des grosses boites, je découvre la brutalité des arrière-cuisines, où tu te lèves l’âme à 4h du mat et te fais injurier parce que c’est comme ça ». Ce CAP obtenu dans la douleur le refroidit. Le jeune homme pressé ne l’est plus, pressé. Il cherche un boulot, n’en trouve pas. Il ne se précipite pas pour acheter un fonds de commerce, remplit son congélo de 200 parfums achetés à un glacier français, et dans sa cuisine, les étudie, s’en inspire, creuse technique et goût, pour ses amis, qui heureusement l’encouragent à s’accrocher. L’obstination et la chance sont déterminants.
Son premier magasin (***), quelques m² au 13 rue Caisserie est son royaume, où il est « tout seul, à tout faire, jour et nuit, c’était complètement dingue ». 4 ans pour accoucher de sa boite … « une micro-boite, en fait. Louise avait 3,4 ans, je n’étais jamais là les week-end, mais c’était grisant de choisir son job, d’être au contact direct avec son public, de chercher à vivre. J’avais géré des marges aussi faibles dans la téléphonie. De 2014 à 2018, c’était mal organisé, pas si bien fait, mais… ».
A peine je me replonge à cette époque, Nicolas - a-t-il perçu mon absence ? - s’interrompt, inquiet « Est-ce intéressant ? ». Tu parles ! Tandis que je cherche une 4ème page, je lui évoque mes fillettes, fans du « Nicolas de Vanille Noire ». Nous y allions souvent. Ses glaces avaient un truc spécial. Du goût, de la matière…
« C’est exactement ça. Je voulais faire du bon, et dans la glace, 70% c’est la glace indus des hypers, Carte d’Or, etc. 25% de fruit, 50% d’air et du sucre. C’est la norme. Le glacier de rue va jusqu’à 45% de fruits. Je pousse à 85, 90% de fruits. Ce n’est pas ce que demande le consommateur. Un de mes clients restaurateur a mis 2 à 3 ans pour revenir me dire que ce que je faisais, c’est cher, mais c’est très bon. Le consommateur lambda, c’est 4 ans pour éduquer son goût à apprécier autre chose que le sucre, et la texture aérée ». Je pourrais l’écouter encore des heures à raconter « ses textures plus brutales, parfois douces parfois dures, qui "suivent" la matière première. Les glaces populaires sont faites de poudres italiennes prêtes à glacer, on les croit crémeuses, elles sont juste bourrées d’additifs. Aucune glace ne se ressemble chez vanille noire, elles ne sont pas harmonisées ».
Mais pas que. « Une bonne glace à la vanille, facile : tu mets 10 gousses à 600€ le kg, et tu tiens pas trois mois ». Vanille Noire a 8 ans déjà. « Je suis un passionné de l'adéquation entre la promesse client et ce que tu peux intelligemment produire. Tout en gagnant ta vie. Cette équation est passionnante ». Nicolas envisage maintenant l’expansion. « Tu veux déjà en parler ? »
« Non, je cherche mes bras droits d’abord. Je préfèrerai dire un mot du Marseille Volley Club où joue Louise, de leurs valeurs fortes, et de ce qu’ils font pour les gamins ». Voilà, c’est fait (****). Contactez-le, il vous parlera de leurs résultats et de leurs besoins. Pour les glaces, attendez la réouverture du printemps, vraisemblablement le 7 avril 2023 !
Yves Martin-Laval (E83)
depuis La Ciotat, pour KILAFEE ESSEC Alumni Provence
(*) Les glaces s’achètent en GMS ou aux vendeurs de rue. Le « Laboratorio del Gelato » offrait un magasin pour toute l’année, avec la transparence ouverte sur le labo, séparé de la salle par une simple vitre, avec un style au design épuré.
(**) https://www.onisep.fr/Ressources/Univers-Formation/Formations/Lycees/cap-glacier-fabricant : il n’y en avait que 6 en France, dont un à 1 heure de Marseille.
(***) Actuellement le navire amiral est au 15 rue Caisserie, à 30m du labo d’origine – qui est LE labo. Vanille Noire est aussi place de Laurette, et, brièvement, il y a eu le kiosque de la place Félix Baret, succès côté buzz, mais fermé au bout de 3 mois, quartier trop mal famé, sans la clientèle qu’il faut.
(****) Amusante nième coïncidence, le siège du club est au 147 rue de Crimée : mes premiers bureaux étaient au 168 de la même rue. Nul doute que le Marseille Volley 13 | Facebook ait de belles valeurs à l’image de la ville, car il est la réunion des clubs de La Belle de Mai, de l’ASPTT, du SCO de Sainte-Marguerite et de Marseille Est. (voir Marseille Volley 13 — Wikipédia (wikipedia.org))
Nicolas DECITRE (M05), nicolas@vanillenoire.com 07 77 33 68 19
www.vanillenoire.com – FB & Instagram : glacier vanille noire
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