KILAFEE n°9 – Août 2022 : Frédéric Paquet, Losc in translation
25/07/2022
KILAFEE n°9 – Août 2022 : Frédéric Paquet, Losc in translation
« Fred, tu es d’où ? » Je sais déjà qu’il a 5 ans de moins que moi, 57. « Tu as fait quoi dans la vie ? » « Ouh la la ! Je suis né à Paris, j’ai fait plein de métiers, et j’ai beaucoup voyagé. Les Pyrénées où mes parents s’étaient reconvertis en ouvrant un restau, puis retour Paris, à Sarcelles, jusqu’à mes études scientifiques à Toulouse. Après, j’ai été à Aix, Paris, Lille, Toulouse, Lille encore, les Etats-Unis, Saint-Etienne, et Aix, où je suis depuis 3 ans. J’étais aussi passionné de football américain, j’ai joué en club, en championnat, puis j’ai été international ».
Si je n’étais pas sport-inculte, j’aurais vibré de cette fébrilité qu’il abhorre, celle des prêts-à-tout pour approcher à travers lui les feux de la rampe. Les mêmes, quand il mouille aujourd’hui le maillot pour l’Ecole des XV, lui lancent un « Super ! », hélas plein de condescendance ou de désintérêt poli. Mais moi, le sport ... j’ai arrêté le judo en 6ème, l’épaule démise par un vigoureux. Au hand, j’étais goal au collège, les grands me visaient exprès. Au basket et au volley, j’étais … petit. Un temps j’excellais au cross-country, sport solitaire par équipe : hélas, une fois, tous ceux que je dépassais abandonnaient ; je fus dernier ; j’arrêtais la compétition… je perdis la foi en moi alors que si j’avais continué ma remontée, qui sait ?
Du coup, du sport, je ne connais rien. « C’est quoi, international ? » Pédagogue bienveillant, Fred élude « C’est quand on est en Equipe de France » et poursuit « J’ai fait plein de métiers, travailler sur des plateformes pétrolières,… », modeste, comme si de rien était. Je n’ai pas l’impression qu’à ce stade, Fred ait été mu par un plan de carrière. Plutôt porté par l’élan.
Moi pareil. Quand d’autres visualisent très loin ce qu’ils deviendront, ma vocation, je la trouvais en 1ère : faire une école de commerce. Cet horizon me comblait. Aussi, quand j’intégrais l’ESSEC, quittant mon Marseille natal, après 12 ans au seul Lycée Thiers, j’y picorais donc dans toutes les matières. Je voulais participer à la marche du monde, peu m’importait où, mais en être, faire.
De ces « plein de métiers », Fred savait-il ce qu’il voulait faire ? Non. S’il me dit « J’ai été 12 ans président de la fédération nationale de Foot US et 10 ans président de la fédération mondiale », je sens bien qu’il ne parle pas de métier mais de sa passion pour son sport. Alors, quand il dit avoir commencé secrétaire général du Stade Français - « Euh, ça me dit quelque chose » n’osé-je dire… « Rugby », précise-t-il comme s’il avait senti mon blanc – ce qu’il désigne là, c’est le « commencement d’une progression personnelle dans les métiers des clubs professionnels. »
J’essaie de deviner le rapport avec l’ESSEC. Peut-être ce cursus de reconversion d’ex-sportifs professionnels ? J’essaie, en vain, de l’imaginer DG d’une boîte de 2 ou 300 personnes. C’est quand même ce genre de promesse qu’on attache à ce genre de diplôme dans ce genre d’école. Moi, quand j’y étais, je kiffais pour « Stratégie & Management (alias STM), qui occupent une place un peu particulière dans la gestion, à la fois synthèse de différents domaines et ensemble de fonctions spécifiques de contrôle, planification, organisation, direction, changement… » (*). Bon, d’accord, je suis indépendant solitaire depuis 22 ans 😊.
A l’un des « Mardis de l’ESSEC », Jacques Séguéla, sa « Force Tranquille » venait de gagner, nous professa que notre école « de gestion » ou « de commerce » gagnerait avec une autre formule. Il osa « Soleil », symbole d’une promesse d’avenir radieux ? La lumière, Fred la connut quand il enchainera par 10 ans au LOSC – je n’ai pas osé demander ce que c’était, et lui n’a pas envisagé qu’on pût l’ignorer (**). Il y passe par « tous les métiers présents dans un grand club. »
Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir comme métiers, à part Président, DG et entraineur, dans un club ? et joueurs, bien sûr… Alors, j’ai demandé « C’est grand comment, un Grand Club ? » … « 2 à 300 feuilles de paie, facilement »… Nous y voilà. C’est en parallèle part-time qu’il suit le Master Marketing Management de l’ESSEC. Leurs efforts à tous sont récompensés, champion de D2 (2000) puis en D1 jusqu’au doublé Championnat-Coupe de France, couronnant ses 10 ans comme DG aux côtés d’un président dont il souligne l’affection.
Rare alchimie. Qui ne se reproduisit pas dans le sport professionnel parce que ? « Parce que les présidents-actionnaires sont tous les mêmes : ils veulent faire le DG eux-mêmes, se laissant griser par l’adrénaline des négos, le droit de vie ou de mort professionnelle, la chosification des joueurs qu’on achète et qu’on vend, ou le shoot de la visibilité médiatique » dit Fred qui a été président, de fédé et pas de club, et qui loue la complémentarité dont il a joui 10 ans avec son président du LOSC. Il conclut pour moi « Diriger un club, c’est développer un projet par le développement des hommes. Dans le sport professionnel, il n’y a que de la matière humaine ».
C’est encore cette expertise managériale qui fait vibrer Fred depuis 3 ans à Aix, avec l’Ecole des XV, pour lutter contre le décrochage scolaire. Je crois comprendre. En 84/85 j’avais été un de ces VFI, volontaire formateur en informatique, affectés aux décrocheurs exclus du système scolaire. Mais non : rattraper a posteriori, c’est un pognon de dingue toujours balancé trop tard. Denis Philippon, a la conviction que « plus on commence tôt [avant le décrochage] et plus on a de chances d’éviter que les jeunes se retrouvent face à des difficultés insurmontables ». Le patron-fondateur de Voyages Privés, pousse cette idée, la finance, et recrute un DG expérimenté.
Notre Fred connait le fonctionnement juridico-social des structures associatives et sait piloter sur la durée un projet collectif complexe. LOSC again. Ici, déjà 3 antennes. Il faut des soutiens, des moyens. Il enrage parfois… « Tu dis ‘‘foot pro’’, ou ‘‘spectacle’’, c’est des ‘‘wouah !’’. Pour l’insertion, il y a des millions, mais pour la prévention du décrochage, c’est ‘‘sympa ce que vous faites’’ (sous-entendu, débrouillez-vous !) ». Heureusement Fred sait qu’il saura trouver l’adhésion sincère des clubs sportifs et des élus confrontés aux vraies situations locales difficiles.
Parce que « ici aussi, on travaille sur la performance et l’individuation, avec un programme adapté à la personne. Le Rugby est un outil qui facilite l’acceptation des différences (de gabarit) avec des valeurs humaines assez fortes, d’engagement physique, de résultats collectifs, d’efforts et de capacités individuelles »… Il reste à inventer une boite à outil pour évaluer l’impact « On les épaule, amélioration de la relation à soi, aux autres, à l’apprentissage ; construire leur autonomie sur l’intérêt d’apprendre et comment apprendre ; élargir leur vision du monde à d’autres avenirs que les 2 ou 3 métiers typiques des quartiers et d’autres prérequis que beau, blanc, riche et fort ».
Cette petite asso va changer d’échelle. LOSC again. Rodage, training, accélération. C’est sûr. Aussi sûr que le LOSC n’est jamais redescendu en D2.
Yves Martin-Laval (E83)
depuis La Ciotat, pour KILAFEE ESSEC Alumni Provence
(**) https://fr.wikipedia.org/wiki/LOSC_Lille - ça vaut le détour 😊.
(*) autre détour : ESSEC, Catalogue des cours 1982-1983. Nostalgie, quand tu nous tiens…
L’Ecole des XV : Ecole Des Xv – Combattre le décrochage scolaire
Frédéric PAQUET (M06), fredpaquet@wanadoo.fr - 06 82 89 49 63 – appelez le, il vous briefera sur le parrainage mécène : une antenne = 5000€ x 50 enfants de 10 à 15 ans, pour un passage de 3,5 ans à 5 ans, entre le CM2 et la 3ème, avec l’implication de leurs familles.
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