Reflets Mag #149 | Comment réduire l’impact environnemental du sport ?
Non seulement le matériel sportif contient des composants polluants et consomme beaucoup de ressources, mais il fait aussi l’objet d’un vaste gaspillage, avec de nombreux produits achetés pour être trop peu utilisés ou, à l’inverse, abîmés trop rapidement, et jetés prématurément. Dans le dossier de Reflets Mag #149 consacré aux nouveaux terrains du sport, Félix Banvillet (E17), Bertrand Reygner (M00) et Boris Pivaudran (E14) présentent leurs solutions à cet enjeu. Découvrez l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !
Félix Banvillet (E17), Sustainability Officer chez Decathlon Australia
« Chez Decathlon, la production et le transport de marchandises représentent 86,5 % des émissions, c’est donc là que nous agissons en priorité. Nous avons notamment adopté la démarche EcoDesign qui vise à consommer moins de ressources pour la fabrication ainsi qu’à augmenter la réparabilité, et qui concerne déjà un tiers de notre gamme. 84 % de nos magasins s'approvisionnent en énergie renouvelable. Et d’ici 2026, nous visons 100 % de déchets recyclés et 100 % des salaires avec une part variable indexée sur la performance climat. » Une préoccupation partagée par de nombreux acteurs du secteur. « L'utilisation de fibres naturelles plutôt que de polyester connaît une nette croissance ; certains en ont même fait leur cœur de métier, comme Patagonia ou Picture. Le vélo s’avère plus difficile à décarboner, mais des marques travaillent sur le réemploi de l’acier des cadres ou du caoutchouc des pneus. »
Il n’existe pas cependant de consensus international sur les objectifs écologiques de l’industrie. Et les risques de greenwashing ne peuvent être ignorés. « À cet égard, l’Australie me paraît exemplaire : ici, nous n’avons pas le droit d'employer les termes "eco-friendly" ou "carbon-neutral", ni même d'afficher de logos avec des feuilles. La communication doit rester humble et scientifiquement fondée, avec des chiffres accessibles publiquement. »
De fait, la marge de progression reste importante. « Je crois particulièrement au développement de la circularité. Les produits sportifs s’y prêtent (camping, randonnée, kayak, vélos pour enfants…) et cette économie de l’usage est dynamisée par des startups comme Campsider ou Biked. Les grands groupes me paraissent avoir tout intérêt à collaborer avec ces partenaires, tout en menant leurs propres combats en interne. »
Bertrand Reygner (M00), directeur technique et R&D d'Ecologic France
Chaque année, 150 000 tonnes d’articles de sport et de loisirs (ASL) entrent sur le marché. « Soit un gisement de déchets estimé à 90 000 tonnes. » L’éco-organisme Ecologic France a reçu l’agrément pour gérer la fin de vie de ces produits. « Nous agissons sur plusieurs axes. Premièrement, nous labellisons des réparateurs et accordons un bonus financier aux consommateurs qui font appel à eux, dans l’objectif d’augmenter de 18 % le recours à leurs services. Deuxièmement, nous référençons plus de 200 acteurs du réemploi et les soutenons avec l’ambition de donner une seconde vie à 8 000 tonnes d’articles en 2024. Troisièmement, nous fédérons 900 magasins et 1 200 déchèteries et organisons des collectes en stations d’hiver, sur les littoraux ou encore dans les lieux de pratique sportive, pour récupérer 30 000 tonnes de déchets en 2024. Enfin, nous démantelons les objets et recyclons les matières qui peuvent l’être dans nos centres de traitement. Les ASL non recyclables font l’objet de R&D pour trouver des solutions alternatives. »
Les producteurs et les distributeurs sont eux-mêmes engagés dans la filière. « Certains assurent en interne la reprise des ASL afin de réutiliser leurs composants dans la fabrication de nouveaux produits. Ecologic les soutient au travers du dispositif producteur-recycleur. » Les organisations professionnelles, Union Sport et Cycle, Gifap, Snafam, FIN, OSV, Eurosima, FFCM, le ministère des Sports et le CNOSF jouent en outre le rôle de relais auprès des acteurs économiques et sportifs.
« La France est pionnière en matière de gestion de la fin de vie des ASL. Nous sommes le seul pays à avoir mis en place une filière de responsabilité élargie dans ce domaine. Tout au plus existe-t-il une initiative privée de recyclage des chaussures de ski en Italie mais qui reste au stade de R&D. »
Boris Pivaudran (E14), fondateur de Masherbrum
« Aujourd’hui, le textile outdoor est dominé par le 100 % synthétique. Nous voulons prouver qu’on peut associer performance, confort et éco-conception. » Masherbrum propose ainsi des vêtements de montagne avec un impact environnemental réduit au minimum. « Nous travaillons avec des matières alternatives issues soit du recyclage, soit de l’agriculture biologique, soit de processus de production en boucle fermée – comme nos fibres en cellulose de bois provenant de forêts gérées durablement. Nous diminuons ou supprimons les traitements, enductions et teintures, dessinons nos modèles pour réduire au maximum le nombre de pièces à coudre et optimisons la découpe pour limiter les pertes de matière. Nous centralisons en outre nos opérations de filature, tricotage, teinture et confection dans une même zone géographique pour limiter les transports inter-usines – à savoir Braga, au nord-est du Portugal, qui a aussi l’avantage d’offrir un mix énergétique à 63 % renouvelable. Nous choisissons des labels exigeants : Bluesign®, GOTS, Reach, Oekotex Standard 100, Fair Wear, FSC, PEFC… Et, à chaque produit vendu, nous reversons 1 € à l’association Mountain Wilderness pour la sauvegarde des espaces montagnards et nous plantons un arbre dans la région Centre-Val de Loire avec l’association Duramen. »
La marque fait aussi de la pédagogie sur son blog. Aperçu : « Idée reçue n°1 : une matière d’origine naturelle n’offre aucune garantie d’être éco-responsable ; cela dépend de la source et du degré de transformation. Idée reçue n°2 : un produit biosourcé n’est pas forcément biodégradable, et un produit biodégradable ne l’est généralement que dans des conditions industrielles d’enfouissement. Idée reçue n°3 : la mention "made in France" sur un textile signifie uniquement que la dernière étape de fabrication a eu lieu sur le territoire national ; le vêtement peut très bien contenir un tissu tricoté et teint en Turquie, issu d’un fil chinois provenant de coton ouzbek. »
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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Image : © AdobeStock
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