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Reflets Mag #144 | Ludovic Dewaele (M07) « C'est atypique, un architecte qui a fait l'ESSEC ! »

Interviews

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06/09/2022

Dans Reflets Mag #144, Ludovic Dewaele (M07) retrace son parcours d’architecte depuis les logements sociaux du Vietnam jusqu’aux services municipaux d’Afrique et aux équipements privés et publics de la France. On vous met l’article en accès libre… abonnez-vous pour lire les prochains numéros !

« C’est assez atypique, un architecte qui fait l’ESSEC. Pourtant, on a besoin de compétences managériales en agence : on fait de la gestion de projet, d’équipe, de budget voire d’entreprise… »

Cette approche transdisciplinaire du métier, Ludovic Dewaele commence à la défendre peu après ses débuts dans différentes agences d’architecture bordelaises, lorsqu’il est recruté par une ONG de coopération-développement qui investit les problématiques de logement et de relogement à Hô Chi Minh-Ville, au Vietnam. De longues années le séparent encore de son master en école de commerce, mais il sort déjà des silos : « J’ai rejoint le seul bureau local qui développait une approche globale avec des spécialistes du développement communautaire et de la microfinance, des ingénieurs, des hydrogéologues… »

Ensemble, ils réfléchissent à des solutions pour améliorer les conditions de vie du plus grand nombre. « Nous avons notamment conçu des "logements capables". Le principe : on commence par mener des enquêtes socio-économiques sur les futurs bénéficiaires du projet pour connaître leurs activités génératrices de revenus ainsi que leur capacité d’endettement ; puis, sur la base de ces résultats, on conçoit des habitations correspondant à leurs besoins réels, associés à des prêts qu’ils sont capables d’assumer. » Il illustre : « Par exemple, si l’habitant exerce une activité nécessitant un pousse-pousse, on prévoit un local pour l’entreposer au rez-de-chaussée et des circulations adaptées dans l’immeuble. Et s’il doit travailler sur un marché couvert, on en implante un à proximité. Autre exemple : on prend en compte la géomancie (feng-shui), centrale dans la culture du pays. »

À l’époque, le concept est précurseur. Un des projets, situé dans le 2e arrondissement d'Hô Chi Minh-Ville et similaire au projet Iquique d’Elemental au Pérou, reçoit d’ailleurs le prix du Haut Comité pour la coopération internationale en 2001. « Ces concepts apportent des réponses adéquates à la question du logement de qualité et abordable dans leurs contextes spécifiques. Aujourd’hui, le principe s’est étendu et généralisé jusque sous nos latitudes. On parle aussi d’auto-construction aidée ou de construction participative. Il s’agit de logements livrés clos et couverts, connectés aux réseaux d’eau, d’électricité et de transports, adressés, mais aux finitions intérieures sommaires (ce qui baisse le coût d’acquisition), entièrement aménageables et agrandissables dans le temps en fonction de vos moyens (avec par exemple une double hauteur de pièce donnant la possibilité d’ajouter une mezzanine). »

Changement de cadre

Au bout de six ans, Ludovic Dewaele rentre en France et intègre l’ESSEC. « J’en suis sorti un an plus tard avec près d’une dizaine de propositions de CDI dans des domaines aussi variés que la maîtrise d’œuvre, la réhabilitation de friche industrielle ou encore la planification territoriale… Moi qui voulais ouvrir mes horizons, j’étais servi ! »

Il opte pour un poste de chef de projet à l’Agence française de développement. « Après l’Asie du Sud-Est, je me suis retrouvé avec un portefeuille africain. Je me déplaçais au Sénégal, au Kenya ou encore à Djibouti pour suivre le financement d’opérations immobilières et urbaines auprès de municipalités ou de collectivités locales ou de banques. J’ai été impressionné par la connaissance que mes collègues avaient de nos pays d’intervention. Mais le terrain me manquait trop. »

Dont acte : il passe de la bureaucratie à l’assistance à maîtrise d’ouvrage avec le cabinet IDéAM au sein d’un groupe d’ingénierie. « Je pilotais les études de programmation et de faisabilité ou suivait les chantiers de construction et de restructuration d’hôpitaux, d’Ehpad, de palais de justice, d’immeubles de grande hauteur… »

Beaux travaux

Également membre de la RICS (Royal Institution of Chartered Surveyors) et co-animateur du groupe Sud-Ouest de la RICS en France, Ludovic Dewaele finit par créer sa propre agence d’architecture, Luwae architectures, en 2013. « Je suis implanté à Bordeaux mais j’interviens aussi à Angers, Poitiers, Paris et même en Thaïlande, pour des logements collectifs ou individuels, des bureaux ou encore des équipements publics (établissements de santé, de sport, d’éducation…), en neuf ou en réhabilitation, en anglais comme en français. »

Au plus fort de son activité, l’agence emploie cinq collaborateurs. Aujourd’hui cependant, le contexte s’avère particulièrement difficile. « De nombreux clients doivent renoncer à leur projet parce que les conditions de prêt se durcissent. Le Covid et la guerre en Ukraine dérèglent les chaînes d’approvisionnement, induisant une grande incertitude sur les calendriers et les prix. L’économie de la construction change tous les 15 jours. »

Autre changement de paradigme : la transition environnementale. « En tant que sachant, nous avons la responsabilité de concevoir aujourd’hui des bâtiments qui seront adaptés aux conditions de demain. » De fait, des solutions existent qui relèvent de la compétence de l’architecte. « On a déjà les savoir-faire : densification douce versus artificialisation des sols, rénovation-transformation versus démolition, solutions passives versus high-tech, conception sur mesure au cas par cas versus catalogue de projets, approche individualisée versus solutions standardisées… On en parle dans les écoles d’architecture depuis les années 1990. Il est possible de répondre à l’obligation d’une sobriété sans renoncer à la qualité. Il faut faire différemment. »

Les comportements et les mentalités aussi doivent s’adapter. « En France, il y a deux fois moins d’architectes que la moyenne européenne. Le recours à nos services doit devenir plus naturel, de même qu’il faut changer le regard sur notre métier, à la fois très désiré (les candidats aux écoles d’architecture sont toujours plus nombreux) et très contourné. À mes yeux, l’architecte est un allié de l’investisseur, de l’usager, de la collectivité. Il sait comment concrétiser vos idées et faire une synthèse des contraintes, tant sur le plan technique que réglementaire et financier. C’est le seul acteur qui défend le projet de son client, avec une vision globale, inclusive et transversale. »

 

En savoir plus :
luwaearch.com  

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans Reflets Mag #144. Pour voir le numéro, cliquer ici. Pour recevoir les prochains numéros, cliquer ici.

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