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Reflets Mag #142 | Fleur Pellerin (E94) : « Le capital investment en France est sur le bon chemin »

Interviews

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23/03/2022

En couverture de Reflets Mag #142, Fleur Pellerin (E94) raconte son parcours depuis les hautes sphères politiques jusqu’à l’écosystème tech européen et asiatique. On vous met un extrait de l’article en accès libre… abonnez-vous pour lire le reste du numéro !

Reflets Magazine : Vous avez lancé le label French Tech fin 2013. Un peu moins de dix ans plus tard, que vous inspirent les levées de fonds record de 11,6 milliards d'euros en 2021, et l'existence à ce jour d'une trentaine de licornes françaises ? 

Fleur Pellerin : Je crois que c'est une assez belle validation du travail accompli depuis une dizaine d'années. Cela montre bien que la création d'un écosystème prend du temps, que c'est quelque chose de vivant avec un début et un long processus de maturation. Aujourd'hui nous sommes dans une dynamique de progrès, beaucoup de choses ont été réalisées, l’industrie du capital investissement est beaucoup plus mature et nos entrepreneurs sont aussi bien plus ambitieux et davantage tournés vers l'international. Nous sommes sur le bon chemin. Maintenant, parmi cette trentaine de licornes, il faut qu'il y en ait cinq ou dix qui atteignent une valorisation de 10, 15, 20 ou 30 milliards de dollars. C'est cela l'objectif et la prochaine étape de croissance.

RM : La création de la marque French Tech a été selon vous un accélérateur ?

F. Pellerin : Au départ, je raisonnais en termes d'écosystème parce que j'avais bien conscience, en définissant ma propre feuille de route, qu'il ne suffisait pas de mettre en place une mesure sur la fiscalité ou sur le soutien au dispositif de financement à l'innovation pour que tout se cristallise. En regardant ce qui fonctionnait bien ailleurs à l'étranger, j'ai vite compris qu'il fallait un ensemble de mesures différentes et mener de front un travail sur la fiscalité, sur le réinvestissement des plus-values, et sur l'environnement réglementaire et fiscal de l'entrepreneuriat et de la création d'entreprise. Une autre dimension qui me semblait importante était le « branding » et la communication, parce que pour attirer les investissements étrangers, condition indispensable à la réussite du projet, il fallait donner une image attractive, séduisante, il fallait faire connaître les succès que nous avions en France.

RM : Rappelons qu'à l'époque, le sport international, notamment dans les pays anglo-saxons, c'était le « french bashing »…

F. Pellerin : La France n'était pas du tout reconnue comme une nation technologique. Nous étions très respectés pour notre patrimoine, notre industrie du luxe et de la mode, nos vins et nos spiritueux, mais les seules choses liées à l'innovation restaient Ariane et le TGV, des conquêtes industrielles des années 1980. L'idée de la French Tech était donc de redonner un peu de self-esteem à nos entrepreneurs, d’inciter au mentorat, à l’échange et au partage de bonnes pratiques et d'informations. En somme, diffuser une atmosphère et une nouvelle identité pour que cette communauté ait une meilleure image d'elle-même et se projette avec plus de puissance à l'international. Résultat, lorsque j'ai accompagné une délégation de 150 start-up françaises au CES de Las Vegas en 2014, du jamais-vu, cela avait marqué les esprits. Même le Washington Post ou le Financial Times nous avaient gratifiés de papiers plutôt sympas. Cela peut paraître un peu superficiel, mais cet effort de communication avait été l'un des éléments indispensables pour nommer ce que nous étions en train de promouvoir.

RM : Vous évoquiez votre propre feuille de route, cela s'est vraiment passé comme cela ?

F. Pellerin : De manière générale, il y a un véritable retard de compréhension des enjeux de l'économie numérique de la part des institutions, des décideurs politiques ou de l'administration par rapport à la vie réelle. Cela s'explique par la temporalité totalement différente de l'économie numérique par rapport à l’économie traditionnelle. Je rappelle que la plupart des entreprises aujourd'hui les mieux valorisées au monde n'existaient pas il y a quinze ans. Ce facteur accélération du temps, qui va encore s'amplifier avec le Web3, ne permet pas au régulateur et à son administration d'être complètement en phase avec l'évolution économique, de sorte qu’ils peinent à proposer des réglementations pertinentes en temps utile. Je suis arrivée dans une structure qui ne mesurait pas tellement l'impact de cette révolution incroyable que nous étions en train de vivre et qui se poursuit aujourd'hui. Je n'avais donc pas de feuille de route très claire en ce qui concerne le volet numérique de mon ministère, j'avais finalement quasiment carte blanche, ce qui s'est révélé être une chance extraordinaire, puisque cela m'a en fait permis de pouvoir décider et d’être maître de ma propre boutique sans que personne ne vienne me mettre des bâtons dans les roues.

RM : La France est-elle devenue aujourd'hui une place forte de l'innovation mondiale ?

F. Pellerin : Oui, je crois qu'il y a eu un rattrapage assez extraordinaire. La France était très bien positionnée sur les questions de R&D grâce à des dispositifs comme le crédit d'impôt recherche, par exemple. Les pièces du puzzle étaient là sans que celui-ci soit assemblé. C’est le cas aujourd'hui – et je constate de manière générale que le pays est beaucoup plus acculturé aux sujets technologiques, avec une mentalité très différente et des entrepreneurs géniaux qui apparaissent un peu partout. C'est d'ailleurs vrai pour l'ensemble des pays d'Europe, y compris les plus petits, et il est assez réjouissant de constater que notre continent a réussi à créer partout de l'innovation.

RM : Faut-il désormais porter nos efforts sur les start-up de la deeptech comme le souhaite Clara Chappaz (E12), la nouvelle DG de la French Tech ?

F. Pellerin : Je crois qu'il faut un peu de tout en réalité. Je ne suis pas certaine que les États en général soient les plus qualifiés pour se mêler de ce que fait le secteur privé et pour choisir les champions de demain, même si en France, la BPI réalise un travail considérable. En revanche, il n'est pas inutile d'être volontariste et d'encourager certains secteurs pour ne pas être vassalisés par des pays qui auront massivement investi dans les nouvelles technologies. Prenez le cas des semi-conducteurs. Le fait que le monde entier dépende de trois fournisseurs asiatiques ou que 70 % de la supply chain du véhicule électrique autonome soit chinoise me paraît très inquiétant. Donc mettre l'accent sur un certain nombre de technologies dont on pense qu'elles sont clé dans la chaîne de valeur, faire des choix stratégiques forts, c'est plutôt vers cela qu'il faut aller en effet.

RM : L'écosystème de la tech française est sur le bon chemin selon vous ?

F. Pellerin : […]

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #142. Pour voir un aperçu du numéro, cliquer iciPour recevoir les prochains numéros, cliquer ici.

 

Image : © Christophe Meireis

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