Romain Pilliard (BBA 98) : « Je fais le tour du monde à l’envers pour promouvoir l’économie circulaire »
Romain Pilliard (BBA 98) s’apprête à réaliser un tour du monde à l’envers à bord de l’ancien trimaran rénové d’Ellen Mac Arthur. Un défi que seuls 5 marins ont relevé en 1 siècle, et dans lequel il se lance pour promouvoir l’économie circulaire et la protection des océans.
ESSEC Alumni : En quoi consiste votre projet de tour du monde à l’envers ?
Romain Pilliard : Faire le tour du monde à l’envers signifie naviguer contre les vents et courants dominants, d’est en ouest. Seuls 5 marins ont réussi ce pari depuis Joshua Slocum en 1895 ; il s’agit du record à la voile le plus difficile à accomplir. Je partirai à l’automne, en double avec un co-skipper étranger. Nous naviguerons sur le trimaran avec lequel Ellen Mac Arthur a battu en 2005 le record du tour du monde à l’endroit. C’est un beau symbole !
EA : Vous avez rebaptisé ce trimaran Use it Again ! Quel est le sens de ce nom – et du choix de naviguer avec un ancien bateau rénové ?
R. Pilliard : Mon trimaran a été optimisé selon les principes de l’économie circulaire : réduire, réutiliser, recycler. En réalisant un défi technique de cette ampleur avec un impact quasi nul pour la planète, je démontre que la performance ne passe pas forcément par la course à l’innovation et à la technologie, dont le coût écologique devient intenable.
EA : Pourquoi avoir choisi le monde de la mer pour promouvoir l’économie circulaire ?
R. Pilliard : La voile, c’est mon univers. Passionné depuis mon enfance, je me suis lancé dans la course au large à un niveau professionnel peu après mes études à l’ESSEC. J’ai ensuite créé une agence de marketing sportif spécialisée dans la voile, EOL, et lancé le Tour de Belle-Île, qui est devenu la course la plus courue de France avec 500 bateaux participants. J’ai aussi fondé un club de voile, une entreprise de gestion de projets de construction de bateaux…
EA : Concrètement, comment appliquez-vous les principes de l'économie circulaire à bord de votre trimaran ?
R. Pilliard : Cela commence par le seul fait d’avoir réhabilité un voilier qui était bien parti pour finir en morceaux de carbone, à l’enfouissement. Ensuite, toutes les pièces du bord ne sont remplacées que par de la seconde main, récupérées auprès d’autres équipes, ou par du matériel reconditionné par les fournisseurs eux-mêmes. Dans la même logique, la fin de vie de chaque pièce est anticipée : au lieu de déposer à la décharge, nous cherchons des solutions de réemploi dans un autre secteur, ou de recyclage lorsque c’est possible. Certains éléments de mon mât par exemple sont constitués de fibres très techniques qui, lorsque nous devons les changer, sont envoyées aux Pays Bas pour être transformées en gants résistant aux très hautes températures. J’en parle en détails dans mon interview sur Brut.
EA : Plus largement, comment les principes de l’économie circulaire peuvent-ils s'appliquer au monde maritime ?
R. Pilliard : Réduire notre impact sur l’environnement, maritime ou autre, passe avant tout par réduire notre consommation. Quand on a besoin de changer du matériel, on doit toujours se demander s’il existe une autre solution que d’acheter neuf. Sans sobriété, on n’y arrivera pas. Il faut aussi développer la communication et les échanges entre les différents acteurs du secteur, mais pas seulement, afin que le réemploi devienne plus simple. Cet esprit collaboratif fonde l’économie circulaire, et me plaît beaucoup.
EA : Vous vous engagez sur ces questions depuis plusieurs années. Quelles évolutions avez-vous constatées au fil du temps ?
R. Pilliard : Quand je préparais le trimaran Use It Again ! en vue de ma participation à la Route du Rhum 2018, peu de gens avaient entendu parler de l’économie circulaire. Aujourd’hui, ses principes sont connus du grand public et sont traduits dans des textes comme la loi anti-gaspillage. L’évolution est donc positive et significative. Cependant, au-delà des objectifs affichés, les entreprises n’en font pas encore assez, et semblent pour la plupart répondre uniquement à la contrainte. Elles devraient pourtant se réorienter activement et entièrement vers cette économie respectueuse, durable et profitable. L’urgence climatique n’a jamais été aussi réelle !
EA : Vous souhaitez aussi mettre à profit ce tour du monde pour dresser la première cartographie de la pollution sonore océanique mondiale…
R. Pilliard : Nous allons naviguer dans des contrées où personne ne va jamais, et sur lesquelles les scientifiques manquent cruellement de données. Autant faire d’une pierre deux coups ! Grâce à un système d’enregistrements acoustiques, nous pourrons créer la première cartographie sonore océanique mondiale, qui permettra de mieux connaître l’impact des activités humaines sur les cétacés au niveau mondial.
EA : Comment les alumni peuvent-ils soutenir votre projet ?
R. Pilliard : J’ai toujours gardé un lien avec l’ESSEC – j’ai d’ailleurs parrainé l’iMagination Week du BBA ESSEC en 2019, et je suis impliqué cette année dans un nouveau think tank qui sera annoncé prochainement. La communauté peut me soutenir à son tour en partageant mon projet sur les réseaux (Instagram, Facebook, LinkedIn) et en devenant sponsor ou mécène du fonds de dotation Use It Again !
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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Image : © Julien Mignot
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