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Mathieu Pobeda (G17) : « Le secteur de la culture est primordial pour notre économie »

Interviews

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10.05.2020

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Mathieu Pobeda (G17) est directeur de la R&D au sein du groupe Arbane, qui conçoit et fabrique des enceintes acoustiques dédiées à la sonorisation de lieux recevant du public. Son activité fait partie des victimes peu visibles de la crise du COVID-19 – comme toutes les industries dépendantes du secteur de la culture. Explications.

ESSEC Alumni : Comment est structuré votre secteur d’activité ? 

Mathieu Pobeda : Le secteur est dominé par des PME ou des ETI européennes ou nord-américaines. Les Français ne sont pas en reste, avec un savoir-faire historique dans le domaine spécifique de l’électroacoustique. Le nombre d’acteurs est passé de deux ou trois marques dans les années 1970, qui ont vu l’avènement des grands évènements musicaux comme Woodstock, à plus d’une vingtaine aujourd’hui. Tous segments confondus, le marché de la sonorisation représentait 2,6 milliards de dollars en 2016, et a encore gagné quasiment 1 milliard depuis. 

EA : Comment votre entreprise se positionne-t-elle dans ce secteur ?

M. Pobeda : Le groupe Arbane regroupe les marques Active Audio et APG. Active Audio sonorise des lieux comme des aéroports, des gares ou encore des lieux de culte, là où le message vocal et son intelligibilité revêtent une importance capitale. Ce marché dépend fortement de l’investissement public ou privé dans les infrastructures. 

EA : Quid d’APG ? 

M. Pobeda : APG est pour sa part tournée vers le spectacle vivant : concerts, théâtres… Nos clients principaux sont les prestataires (loueurs) des tournées ou festivals. Le matériel est acheté chez nous par nos clients ou via des distributeurs sur certains territoires, et est amorti sur plusieurs années, comme tout investissement. 

EA : Comment la crise du COVID-19 impacte-t-elle vos activités – et plus largement votre secteur ? 

M. Pobeda : Les restrictions sur les regroupements ont mis un coup d’arrêt à toutes les activités culturelles où nos équipements APG sont utilisés. La suspension de nombreux chantiers d’infrastructures et les reports d’investissements dans de nouvelles infrastructures nous ont également affectés. Autre problématique, et non des moindres : même en cas de reprise des activités culturelles et de levée totale des interdictions de regroupement dans un futur proche, le réinvestissement dans du matériel neuf ne se fera pas avant un délai de 12 à 18 mois. Quoi qu’il arrive, la crise s’inscrit dans la durée pour nous. 

EA : Quelles solutions avez-vous face à cette situation ?

M. Pobeda : Le groupe Arbane a la chance de pouvoir encore reposer sur Active Audio, qui souffre moins qu’APG. Nos confrères spécialisés dans le spectacle vivant se retrouvent confrontés à des situations critiques, avec une chute de 60 à 90 % de leur chiffre d’affaires. De notre côté, nous limitons nos pertes à 40 % environ, ce qui nous permet de maintenir l’emploi et de faire avancer des projets de développement. 

EA : Votre exemple rappelle que la crise de la culture, et en particulier du spectacle vivant, n’impacte pas seulement les artistes…  

M. Pobeda : Il est vrai que l’on parle surtout des artistes – et à raison : si le régime de l’intermittence permet à certains d’entre eux de maintenir leurs revenus malgré leur inactivité forcée, rappelons que beaucoup d’autres n’ont pas le statut d’intermittent, et que ce statut n’existe nulle part ailleurs dans le monde. 

Mais le secteur de la culture dépasse largement le cadre des artistes. C’est toute une chaîne de valeur qui est impactée, dont certaines industries très spécifiques, avec peu de marge de manœuvre. Pensons par exemple aux professionnels de l’éclairage scénique, ou encore aux loueurs de matériel. 

EA : Ces activités bénéficient-elle des aides mobilisées pour les acteurs de la culture ?

M. Pobeda : Pour l’heure, nous avons bénéficié en tant qu’industriels des aides débloquées pour tous les secteurs : chômage partiel, PGE… En revanche, selon les premiers éléments dévoilés sur le plan de relance, nous ne sommes pas concernés par l’enveloppe de 2 milliards d’euros annoncée pour la culture. 

EA : Dans ces conditions, quelles sont les perspectives pour votre activité ? 

M. Pobeda : Nous restons positifs. Par chance, nous avions déjà commencé à travailler avant la crise sur un produit innovant à destination du marché de l’éducation. Il s’agit d’une technologie de captation du signal sonore pour les salles de classes, qui peut également être utilisée dans le cadre de visioconférences et de cours à distance. Nous comptons sur ce type de solutions pour compenser nos pertes et préparer le retour à la croissance. 

EA : Et pour le secteur de la culture ?

M. Pobeda : Il n’y a pas de solution magique. Mais il me paraît plus que jamais nécessaire de rappeler que le secteur de la culture est primordial pour notre économie. Il ne faut pas le voir uniquement comme un centre de coûts ; au contraire, il contribue à l’attractivité et au rayonnement de notre pays, et ainsi génère de nombreuses retombées économiques. 


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

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