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Robert Ophèle (E78) : « Les régulateurs financiers ne sont pas restés passifs face à la crise du COVID-19 »

Interviews

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08.18.2020

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À temps exceptionnel, offre exceptionnelle : ESSEC Alumni vous donne accès libre au numéro spécial COVID-19 de Reflets ! Au sommaire, une cinquantaine d’articles de diplômé(e)s et de professeur(e)s ESSEC – parmi lesquels Robert Ophèle (E78), président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui explique pourquoi les marchés financiers n’ont pas été fermés au plus fort des chutes des cours causées par le COVID-19. Découvrez son interview1 directement sur notre site – et accédez à l’intégralité du numéro en version flipbook !

ESSEC Alumni : Comment préserver la confiance dans les marchés financiers ?

Robert Ophèle : Dès le début de la crise, l’AMF a eu à cœur de préserver la confiance. D’une part dans les mécanismes de marché : nous avons intensifié la surveillance des marchés, interdit ponctuellement les ventes à découvert, facilité la diffusion d’informations sur l’impact de la crise, favorisé le dialogue actionnarial… D’autre part dans la gestion collective, en encourageant une utilisation mesurée des outils de gestion de liquidité et de crise, et en publiant une première doctrine sur la commercialisation des produits respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

EA : Pourquoi ne pas fermer les marchés financiers ?

R. Ophèle : Il faut bien se rendre compte de ce qu’impliquerait la fermeture des marchés. Si les autorités françaises prenaient cette décision, ne seraient suspendues ni les transactions hors plateformes, de gré à gré, ni les transactions sur les plateformes situées hors de notre territoire. Or moins de la moitié des transactions sur actions françaises sont réalisées en France. Fermer nos marchés régulés, c’est donc transférer une large partie des transactions sur des marchés non régulés, ou sur des plateformes régulées étrangères, sans produire donc aucun des effets économiques et financiers recherchés.

EA : Et même en admettant l’hypothèse hautement improbable d’un accord européen, si ce n’est international, sur la question – quelles en seraient les conséquences ?

R. Ophèle : D’abord, on devrait suspendre tous les fonds ouverts qui ont ces titres en portefeuille, puisque les gérants ne pourraient plus ni les valoriser, ni les vendre, ni les acheter. Résultat : la pression vendeuse se renforcerait mécaniquement sur les autres classes d’actifs – en particulier sur les titres de dette, qui sont essentiels pour le financement de l’économie.

La fermeture nous priverait ainsi du thermomètre qui permet certes de mesurer la baisse des prix, mais aussi, ensuite, leur remontée. Ce serait d’autant plus dommageable qu’une situation de ce type n’offre aucune perspective de réouverture rapide. L’épisode de fermeture de la bourse des Philippines montre d’ailleurs à quel point une telle initiative peut s’avérer contre-productive.

EA : Quelles mesures de régulation prendre ?

R. Ophèle : Les régulateurs et les infrastructures de marché ne sont pas restés passifs face à la crise. Ils ont notamment mis en place des coupe-circuits, c’est-à-dire des suspensions des cotations qui s’enclenchent lorsque le cours d’un titre varie violemment. Ces suspensions sont importantes pour éviter un emballement inconsidéré et donner le temps aux acteurs de reconsidérer leur stratégie. 

Autre mesure phare : l’interdiction temporaire de la vente à découvert. L’AMF l’a instaurée avec cinq autres autorités nationales de l’Union Européenne sur l’ensemble des valeurs sous sa responsabilité de mi-mars à mi-mai.

EA : Quelles raisons ont motivé cette décision ?

R. Ophèle : Primo, l’apport des vendeurs à découvert dans la dynamique de formation des prix est faible dans les marchés caractérisés par une forte volatilité et une orientation à la baisse. Deuxio, toujours dans cette configuration, les vendeurs à découvert ont un impact pro-cyclique qui peut s’avérer majeur ; inutile de prendre ce risque supplémentaire. Tertio, sur un plan plus éthique, il paraissait insupportable que certains puissent profiter de la pandémie en vendant nos entreprises à découvert. 

EA : Faut-il se satisfaire des résultats obtenus ?

R. Ophèle : Certes, les valorisations des actions ont très fortement chuté avec une volatilité extrême des marchés, mais ces derniers sont restés liquides, avec des volumes de transactions exceptionnellement élevés et des valorisations dont rien ne permettait de dire qu’elles étaient sans rapport avec les incertitudes économiques du moment.

En fait, les problèmes se sont concentrés sur certains segments de marché, non régulés, qui se sont presque fermés (titres de dette d’entreprises, certaines obligations souveraines…), plutôt que sur les marchés actions, qui ont continué à assurer la rencontre de l’offre et la demande. 

EA : Comment relancer l’économie ?

R. Ophèle : Le soutien à l’économie est passé par un accroissement massif de la dette – dette bancaire, dette de marché, dette sociale et fiscale. Il va désormais falloir rééquilibrer les structures financières. La relance, qui passera par de nouveaux investissements, devra mobiliser des fonds propres additionnels, en partant d’une photographie fiable de la situation, et d’un projet cohérent prenant en compte les enjeux ESG. Il faudra alors faire feu de tout bois : d’abord en utilisant certains instruments de marché comme les émissions d’actions et d’obligations convertibles, le private equity ainsi que les prêts participatifs, avec la possibilité de diversifier les risques grâce aux techniques de la titrisation/FIA ; ensuite en répartissant les risques entre l’État, les banques et les investisseurs, et en mobilisant le plus largement possible les ménages via les investissements directs, l’épargne salariale, l’épargne retraite, ou encore les unités de compte d’assurance vie. Le défi du soutien à l’économie était rude et il a été relevé ; celui de sa relance est considérable.


Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni

Paru dans Reflets #133 spécial COVID-19. Pour recevoir les prochains numéros du magazine Reflets ESSEC, cliquer ici.

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1 Interview réalisée le 19/06/20

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