Dominique Signora (E90), directeur des territoires de RCI Bank and Services
Dominique Signora (E90) a récemment été nommé Directeur des Territoires de RCI Bank and Services. L’occasion de revenir sur 25 ans de carrière au sein de la filiale du Groupe Renault.
ESSEC Alumni : Que recouvre votre nouveau poste ?
Dominique Signora : J’ai la responsabilité opérationnelle de nos 35 filiales réparties en 6 territoires : France, Europe hors France, Eurasie, Amériques, Asie et AMI (Afrique, Moyen-Orient et Inde).
Ma mission est de mettre en place une stratégie de croissance tant sur le financement que sur les services pour toujours mieux répondre aux besoins des clients des marques de l’Alliance Renault-Nissan (Renault, Renault Samsung Motors, Dacia, Nissan, Infiniti, et Datsun).
EA : Pourquoi le Groupe Renault s’est-il doté d’une filiale bancaire ?
D. Signora : En 1924, Louis Renault créait la DIAC, société de Diffusion Industrielle et Automobile par le Crédit avec pour objectif de faciliter l’accès à la mobilité des Français et démocratiser l’automobile. Avec le temps, nos activités se sont diversifiées – services, assurances automobiles, collecte de dépôts – mais cet engagement fondateur reste inscrit dans notre ADN.
Notre ambition est de faciliter l’usage automobile des clients des marques de l’Alliance – particuliers comme professionnels – en imaginant pour eux des offres innovantes, connectées et personnalisées, et en leur proposant les financements et les services les plus adaptés à leurs besoins, selon qu’ils achètent des véhicules neufs ou d’occasion.
Aujourd’hui, la plupart des constructeurs automobiles ont une filiale financière, simplement parce que l’automobile est le deuxième bien de consommation le plus cher pour un foyer après le logement, et ce dans presque tous les pays. La majorité des clients achètent leur voiture grâce à un financement. Des spécificités régionales sont certes à noter : en Europe, le financement locatif (LOA pour Location avec Option d’Achat, et LLD pour Location Longue Durée) se développe rapidement. Il intègre très souvent des offres packagées avec assurance et entretien du véhicule, ce qui permet au client d’avoir une visibilité total sur le coût d’usage de son véhicule. En revanche, dans les marchés émergents, le client considère toujours son véhicule comme un investissement et choisit donc un financement qui lui permet d’acquérir définitivement le véhicule.
EA : Depuis 2012, vous avez étendu vos activités à la collecte de dépôts auprès des particuliers…
D. Signora : Notre offre de produits d’épargne est proposée dans quatre pays européens : France, Allemagne, Autriche, Royaume-Uni. Les fonds collectés sont réinvestis dans notre activité de crédit automobile.
De fait, la collecte de dépôts constitue un puissant levier de refinancement. Le montant net des dépôts collectés représentait 32 % de nos encours à fin décembre 2015.
RCI Bank and Services apporte également son soutien actif aux réseaux des marques en finançant leurs stocks (de véhicules neufs et d’occasion, de pièces détachées) ainsi que leurs besoins de trésorerie à court terme.
EA : RCI Bank and Services a enregistré des résultats commerciaux records en 2015. Quels sont les principaux facteurs de ce succès ?
D. Signora : Cette performance est notamment soutenue par la forte croissance du marché automobile européen, mais aussi par le dynamisme des marques de l’Alliance sur la plupart des marchés où nous opérons.
La hausse des nouveaux dossiers de financement (23,9 % en 2015) s’explique en outre par l’attractivité des offres commerciales élaborées avec les marques. À la fin 2015, l’encours productif moyen de RCI Banque s’établit à 28,4 milliards €, soit le plus haut niveau d’encours que nous ayons jamais réalisé.
Le déploiement de nouveaux services et le développement à l’international se sont poursuivis. La forte croissance de l’épargne collectée a renforcé la compétitivité du refinancement de RCI Banque.
Pilier de notre stratégie, l’activité de services contribue à la satisfaction des clients et à la fidélité aux marques de l’Alliance. Elle constitue aussi un levier majeur de rentabilité. Son développement s’appuie sur deux axes forts : la diversification de l’offre de produits et l’expansion internationale. Cette stratégie est une réussite, puisque le volume de nouveaux contrats de services a bondi de 31,5 % en un an pour s’établir à près de 2,9 millions de services (dont plus de 60 % de services associés au véhicule).
EA : Début 2016, RCI Banque est devenue RCI Bank and Services. Quel est le sens de ce changement ?
D. Signora : Cette nouvelle identité commerciale traduit notre dimension internationale, ainsi que notre ambition de développer une activité de services à part entière, pour proposer des solutions d’auto-mobilité toujours plus innovantes et conviviales et enrichir l’expérience de nos clients.
EA : Comment vous faites-vous connaître face aux banques traditionnelles ?
D. Signora : Nos offres sont définies pour correspondre aux attentes spécifiques des clients de chacune des marques de l’Alliance.
EA : Qui sont vos concurrents ? Comment vous différenciez-vous d’eux ?
D. Signora : Nous nous positionnons face aux établissements bancaires et financiers traditionnels en cherchant à répondre aux besoins spécifiques des clients des marques de l’Alliance. Nos offres sont élaborées avec les directions marketing de ces dernières, ce qui nous permet de proposer des packages et des locations avec option d’achat qui se démarquent de celles plus standard existant sur le marché. Elles sont en outre fortement relayées en terme de communication par chacune des marques et sont systématiquement proposée par les vendeurs des réseaux de distribution Renault et Nissan.
EA : RCI Bank and Services a récemment lancé le service RCI Mobility. Dans quel but ?
D. Signora : Cette filiale à 100 % est destinée à développer les services d’auto partage B2B, mais aussi tout autre service ayant un lien avec l’automobile. L’entreprise a notamment pour vocation de devenir un centre d’innovation pour l’auto-mobilité.
EA : Parlons un peu du marché automobile, qui a connu des années difficiles. Comment cela s’est-il répercuté sur les performances de RCI Bank and Services ?
D. Signora : Le résultat de RCI Banque est composé des intérêts perçus sur les financements de nos clients. La durée moyenne d’un financement est de 40 mois. Le résultat d’une année N est donc composé des intérêts acquis sur les financements réalisés antérieurement à l’année N et des intérêts des financements réalisés sur l’année. Cette structure de notre résultat le rend par nature moins sensible à la conjoncture. En revanche, la crise économique peut avoir un impact négatif sur le coût de nos dettes aux bilans et sur le comportement de paiement de nos clients. Elle impacte aussi le coût de refinancement des nouveaux crédits. C’est pourquoi RCI a développé une stratégie de collecte de dépôts depuis 2012 afin de diversifier ses sources de refinancements.
EA : Comment expliquer l’embellie récente ? Faut-il s’y fier ?
D. Signora : Le marché automobile reste cyclique, lié aux phases de l’économie, de la consommation ainsi qu’au renouvellement des produits. Le fait d’être présent sur plusieurs continents permet d’amortir ces effets. Par exemple, au moment de la crise en Europe, nos ventes se développaient au Brésil. Et au moment où les marchés russes et brésiliens accusaient un net recul, le marché européen connaissait une forte embellie dont les marques de l’Alliance ont pleinement profité grâce à un plan produit très ambitieux.
EA : On nous parle de voiture autonome, de voiture électrique, de voiture volante… Comment s’annonce le futur de l’automobile ? Et comment vous y préparez-vous ?
D. Signora : La voiture électrique est déjà une réalité. Nous accompagnons Nissan et Renault dans le financement de leurs modèles 100 % électriques tels que Zoé et Leaf.
La voiture autonome sera certainement la prochaine révolution automobile, et nous devons l’anticiper.
Actuellement, nous vivons une transformation de la relation à la voiture. Celle-ci est en train de se transformer en bien collectif. Dorénavant, dans les grandes villes du moins (pour l’instant), être propriétaire n’est plus une priorité pour de nombreux utilisateurs, qui se contentent de payer pour l’usage, selon des formats multiples : avec chauffeur, à plusieurs, en payant à la minute, à la journée… Auto-partage, covoiturage, location entre particuliers, planificateur de transports – ces nouveaux modèles de mobilité sont un grand défi lancé au modèle économique traditionnel des constructeurs, fondé sur la vente de véhicules. Il est grand temps pour nous d’explorer de nouvelles manières de fournir des services de mobilité sûrs, pratiques et attractifs.
EA : Revenons sur votre carrière, que vous avez entièrement passée chez RCI Banque. Pourquoi ce choix ?
D. Signora : J’apprécie beaucoup l’entreprise, son état d’esprit, ses valeurs. En plus, rester dans ses rangs ne m’a pas empêché d’avoir un parcours professionnel très diversifié, puisque j’ai eu la chance de travailler dans plusieurs pays pour RCI Banque, ainsi que directement pour une des marques de l’Alliance, Nissan.
EA : Un parcours de ce type serait-il encore possible aujourd’hui, à l’heure où la mobilité professionnelle n’a jamais été aussi importante ?
D. Signora : Je pense que ce type de parcours reste possible, même si il ne concernera pas la plupart des jeunes diplômés qui envisagent plutôt de diversifier leurs expériences au sein de groupes voir de secteurs d’activité différents.
L’important est de pouvoir changer de poste régulièrement, même si c’est dans la même entreprise. Le faire à l’international est un choix plus déterminant à titre personnel car toute la famille est directement impliquée, mais il permet à tous de participer.
EA : Vous avez exercé en Europe, en Amérique latine, en Asie… Quelles sont les différences culturelles qui vous ont le plus marqué ?
D. Signora : Le mode de travail varie d’un pays à l’autre effectivement. Il faut faire des efforts pour comprendre et vite s’adapter. Les conseils et partages d’expérience d’autres étrangers peuvent beaucoup aider au début. Je retiens de mes expériences qu’il ne faut surtout pas faire de généralité continentale. Comme en Europe, en Asie, chaque pays est unique ; la culture de travail thaï par exemple est aussi différente de la culture coréenne que de la culture française.
Un autre enjeu à ne pas négliger est celui de la langue. S’il est relativement facile de communiquer où en Europe ou en Amérique, la barrière est plus difficile à franchir en Asie. Plusieurs années d’expatriation ne suffisent pas à maîtriser une langue asiatique au jour le jour ; on en reste aux rudiments. Par exemple, les caractères coréens sont vocaux et donc faciles à apprendre ; on arrive à lire rapidement. En revanche, la compréhension orale n’est pas aussi aisée. Comme le japonais, le coréen est riche, avec une grammaire complexe, assez proche de celle allemande – déclinaisons, verbes placés en fin de phrase…
EA : Comment concilie-t-on carrière internationale et vie personnelle ?
D. Signora : Toute la famille doit participer à ce choix et y trouver son intérêt. Je dois beaucoup à mon épouse le parcours que j’ai pu faire. Pour les enfants, c’est très enrichissant, car ils découvrent en permanence et s’ouvrent à des références culturelles variées. On parle de « Third Culture Kids ».
EA : Est-il indispensable aujourd’hui de parcourir le monde pour accéder à un poste de direction générale ?
D. Signora : Non. Mais un parcours international est très formateur : il permet de mieux appréhender la diversité des marchés, de confronter des approches parfois trop conceptuelles aux réalités opérationnelles. La diversité de ces expériences aide ensuite dans la prise de décision.
EA : Vous avez géré des équipes dans le monde entier. Avez-vous des secrets ou des méthodes de management ?
D. Signora : Dans tous les pays, il faut pouvoir motiver les équipes, et donc comprendre comment les individus réagissent.
Il y a toujours des spécificités locales, culturelles, mais globalement, tous aiment comprendre quel est l’objectif final et où va l’entreprise. Il faut donc d’abord travailler sur une stratégie et beaucoup communiquer sur les objectifs, montrer le cap et embarquer les collaborateurs en les impliquant.
Savoir écouter est également une grande qualité. Même si je ne suis pas forcement les conseils qu’on me donne, je prends toujours les avis des uns et des autres avant de prendre une décision.
Enfin, il faut faire attention à la compréhension mutuelle. En Corée par exemple, vos équipes feront ce que vous avez demandé avec une grande rapidité et efficacité d’exécution ; il convient donc de bien vérifier qu’ils ont compris exactement où vous vouliez aller. La culture thaï est plus itérative ; il faut donc ne pas être choqué de voir remettre en cause une décision prise en commun la veille. Au Brésil, la culture permet une grande créativité et des innovations constantes ; on y joue plutôt le chef d’orchestre.
EA : Pour fini, abordons vos souvenirs de l’ESSEC…
D. Signora : Je garde le souvenir d’une époque très heureuse. J’y ai reçu un apprentissage qui me sert encore, et rencontré des amis que j’ai gardés.
EA : Avoir fait l’ESSEC vous a-t-il aidé dans votre carrière ?
D. Signora : Beaucoup. L’ESSEC m’a apporté de solides bases théoriques, renforcées par des applications pratiques ; l’expérience les a développées. De plus, étudier dans une école de commerce donne une vision globale de tous les métiers, que l’on doit conserver pour comprendre chaque secteur de l’entreprise.
EA : Le réseau ESSEC Alumni a-t-il une utilité pour vous ?
D. Signora : Oui, ne serait-ce que pour garder les contacts et connaitre des jeunes diplômés qui pourraient être tentés par mon entreprise.
EA : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes diplômés ?
D. Signora : Ils ont la chance d’avoir de nombreuses opportunités qui s’offrent à eux. Ils ne sont pas encore spécialisés dans un métier ou un secteur. Les premiers choix de carrière sont déterminants pour la poursuite de celle-ci, même s’il est toujours possible de se réorienter. Ils conditionneront votre motivation, donc votre plaisir de travailler. C’est ce que je dis toujours aux stagiaires dans mes équipes, quel que soit leur pays.
Né en 1967, Dominique Signora (E90) est diplômé du CEDEP (INSEAD). Il débute sa carrière en 1991 dans les métiers du contrôle de gestion chez RCI Banque en Italie puis en Espagne où il est nommé directeur administratif et financier. À partir de 1996, sa carrière prend une dimension internationale. Il contribue notamment au développement des activités de RCI Banque au Brésil puis en Europe, avant de rejoindre l’activité Nissan Finance au Mexique en tant que directeur général en 2002, puis en Thaïlande en 2005. En 2006, il prend la direction de la filiale de RCI Banque en Corée, avant d’être nommé General Manager Sales Finance chez Nissan Motors Ltd. au Japon en 2010. En 2012, il devient directeur de territoire pour la Région Amériques de RCI Banque. En 2016, il est nommé directeur des territoires de RCI Banque et devient membre du comité exécutif.
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