Franck Vallerugo (E90), professeur titulaire de la Chaire d’économie urbaine de l’ESSEC : « Déjà 30 ans ! »
La chaire d’économie urbaine de l’ESSEC fête ses 30 ans. L’occasion de faire le point sur les activités et les perspectives du programme, avec son professeur titulaire, Franck Vallerugo (E90).
ESSEC Alumni : Pourquoi une chaire d’économie urbaine à l’ESSEC ?
Franck Vallerugo : Deuxième plus ancienne chaire de l’ESSEC après la chaire Grande Consommation, la chaire d’économie urbaine a été créée il y a trente ans par le professeur Alain Sallez pour répondre à une double exigence académique et professionnelle. Académique car, au-delà des fonctions internes de l’entreprises (finance, marketing, RH, etc.), il convenait d’enseigner aussi à nos étudiants les relations externes que ces entreprises entretiennent avec leur environnement, notamment territorial, et que traduisent en premier lieu leurs choix de localisation ; de ces choix découlent une large part des dynamiques territoriales de croissance et de déclin à travers la création ou la destruction de valeur économique et sociale que décrit l’économie urbaine. Professionnelle car ces domaines d’expertise ouvrent pour nos étudiants des perspectives nombreuses, tant dans le secteur privé (gestion des services urbains, aménagement et promotion, conseil au secteur public, financement de projets complexes, etc.) que dans le secteur public (collectivités locales, agences d’urbanisme et de développement économique, entreprises publiques locales et nationales, etc.).
Mais au-delà de ces raisons « techniques », la ville devient le sujet majeur du XXIème siècle ; tous les étudiants de l’ESSEC qui demain exerceront des responsabilités importantes dans les organisations doivent connaître les enjeux du monde majoritairement urbain dans lequel ils vont vivre.
EA : Comment a évolué l’économie urbaine depuis la création de la chaire ?
F. Vallerugo : La chaire a été créée à une période charnière de l’histoire des villes en France et en Europe, les Trente Glorieuses s’éteignaient et la mondialisation issue des Nouvelles technologies d’information et de communication commençait à modifier profondément les rapports économiques et sociaux. La relation des entreprises aux territoires a ainsi considérablement évolué en trente ans où les grandes métropoles constituent aujourd’hui une sorte d’assurance de localisation face aux risques et aux incertitudes multiples qu’a entrainés la fin du fordisme. Les recherches et les enseignements de la chaire ont accompagné ce changement en tentant de comprendre le rôle des villes, et notamment des plus grandes, dans la régulation de l’activité économique, y compris dans sa forme la plus contemporaine qu’impose aujourd’hui le recours massif aux méthodes et aux outils numériques dans la conception et la gestion des territoires. Notre objectif est bien de former de futurs cadres capables de maîtriser ces nouveaux enjeux. Les entreprises, et notamment celles qui sont directement au service des villes parce qu’elles les fabriquent ou en exploitent les services, et les collectivités locales l’ont bien compris qui recrutent massivement aujourd’hui nos étudiants nourris de cette double culture publique et privée.
EA : Aujourd’hui, comment fonctionne la chaire ?
F. Vallerugo : La chaire est ouverte à tous les étudiants de 2ème et 3ème année de l’ESSEC (environ 25 étudiants pas an) qui manifestent une forte appétence pour l’intérêt collectif et la chose publique et le démontrent lors d’un petit entretien de sélection; mais outre les élèves de la grande école nous avons aussi accueilli par le passé quelques étudiants des Mastères Spécialisés et du BBA et ils ne furent pas les moins motivés… Cinq cours sont obligatoires (économie urbaine, marketing urbain, acteurs publics locaux, gestion des collectivités locales, gestion et démocratie locale) et d’autres fortement conseillés (politiques publiques locales, droit public de l’entreprise, urbanisme et aménagement, État et gouvernance entre autres). Par ailleurs les étudiants bénéficient chaque semaine d’un séminaire de chaire au cours duquel ils rencontrent des acteurs et des organisations du secteur, et réalisent pendant six mois et avec les professeurs des études de recherche appliquée pour le compte de nos partenaires. Ils effectuent enfin chaque année un voyage d’études dans une ville hors de France qu’ils découvrent dans le détail de ses enjeux urbains, économiques, sociaux, politiques, patrimoniaux…
La chaire est aujourd’hui très en pointe sur la question de la dynamique des villes et notamment sur le rôle des entreprises dans les mécanismes de croissance territoriale. Elle développe à ce titre depuis plusieurs années des travaux de recherche fondamentale portant sur la définition de trois concepts clés, autour de la Responsabilité territoriale des entreprises, de la compétitivité inclusive des territoires et des modèles de concertation dans les projets d’intérêt collectif. Outre ses publications académiques, la chaire a créé et pilote la collection « Villes et territoires » au sein des Éditions de l’Aube.
EA : Quelle place la chaire occupe-t-elle en France et sur le plan international dans le domaine de l’économie urbaine ?
F. Vallerugo : L’ESSEC est la seule grande école de commerce française à avoir développé grâce à la chaire et de façon aussi complète et intégrée des enseignements et de la recherche en économie publique. Et ceci à l’instar de toutes les grandes business schools anglo-saxonnes qui ont depuis fort longtemps créé en leur sein des départements d’affaires publiques ou d’Urban Planning. C’est une position singulière dans le paysage des grandes écoles qui nous positionne dans une saine complémentarité avec d’autres établissements qui travaillent sur les villes, comme Science Po, l’école des Ponts et Chaussées ou l’Ecole d’Urbanisme de Paris avec lesquels nous entretenons des relations suivies.
Sur un plan plus international, l’ONU estime que le monde est devenu urbain en 2007. Même si cette date est sans doute approximative, elle traduit l’ampleur du phénomène de métropolisation notamment dans les pays émergents. La chaire s’est résolument inscrite dans cette tendance notamment en Asie et en Afrique, par exemple en accompagnant certains de nos partenaires dans leurs développements internationaux, notamment en Inde et en Chine ; en contribuant à la création de villes nouvelles en Côte d’Ivoire ou au Maroc ; en formant les cadres africains publics et privés en charge du développement urbain. C’est ainsi que la chaire pilote depuis plus de dix ans au Maroc des Mastères Spécialisés en formation continue au bénéfice des cadres des offices de services urbains et des collectivités locales ; au Maroc encore où la chaire s’est beaucoup impliquée dans la réussite espérée de notre nouveau campus à Rabat en apportant son expertise au service du développement de la ville nouvelle dans laquelle il a été implanté… De façon générale, nos étudiants sont très engagés dans des carrières internationales, dans les grands groupes de services urbains, les promoteurs-constructeurs ou les institutions de financements internationaux, du type Agence française de développement ou Banque mondiale, dans lesquels ils perpétuent l’excellence française en matière de production et de gestion des villes.
EA : Quel réseau la chaire a-t-elle développé ?
F. Vallerugo : Outre leur implication dans les habituels réseaux académiques, les professeurs de la chaire sont aujourd’hui très engagés dans de nombreuses activités de conseil ; ils sont fortement sollicités pour participer à nombre de think tanks ou autres cercles de réflexion pour le compte d’entreprises ou d’organismes publics, à EDF, Europacity, Véolia Environnement ou au sein de la Commission nationale du débat public. En trente ans, la chaire a diplômé près de 800 anciens élèves qui tout au long de leurs années d’études avec nous puis à travers leur expérience professionnelle ont acquis une double culture managériale publique et privée qu’ils ont mis, et pour certains dans des positions éminentes dans des grandes entreprises ou comme élus locaux ou nationaux, au service des territoires et de l’intérêt collectif. Un nombre croissant d’entre eux choisissent par ailleurs de s’engager dans des carrières de chercheurs, notamment par le biais du double diplôme créé récemment par l’ESSEC et l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm et dont chaque année bénéficient des étudiants de la chaire dans le domaine de la géographie urbaine.
Enfin la chaire est à l’origine de la création de deux autres chaires, la chaire d’Entrepreneuriat social et la chaire Immobilier dont les thématiques sont directement issues de questions urbaines ou portent sur les relations que les entreprises entretiennent avec leur environnement. Enfin la chaire a créé deux autres programmes diplômants, le programme de formation continue Management Général des Villes et des Territoires (MGVT, ex Management Général Urbain) et le Mastère Spécialisé en Management Urbain et Immobilier (MS MUI, ex Management Urbain, Environnement et Services). Ces deux programmes ont permis de former depuis vingt ans près de 700 cadres dirigeants d’entreprises et de collectivités publiques en France et à l’international.
EA : Quelles relations la chaire entretient-elle avec ses partenaires ?
F. Vallerugo : Les partenaires de la chaire reflètent nécessairement sa double culture publique et privée. On y trouve des entreprises comme Véolia Environnement qui est notre partenaire historique, Edf, le cabinet de conseil Algoé, Immochan et son projet Europacity, Equanem, la Banque Postale, mais aussi des collectivités locales comme le conseil départemental du Val d’Oise, le conseil départemental des Yvelines, la communauté d’agglomération de Cergy Pontoise, La Ville de Cergy ou encore des organismes nationaux comme l’Union Sociale pour l’Habitat ou la Caisse des Dépôts et Consignations. La nature de nos relations avec ces divers partenaires sont diverses et adaptées à leurs propres cultures managériales mais elles répondent à deux impératifs communs : les accompagner dans leurs propres réflexions stratégiques par le biais d’études ou de conseil personnalisés et leur proposer des collaborateurs qui maîtrisent le double environnement public et privé dans lequel ils sont tous amenés à évoluer. La chaire leur offre alors un environnement commun dans lequel ils peuvent échanger, confronter leurs points de vue et faire réaliser des projets interactifs à l’interface de leurs préoccupations respectives comme par exemple le développement économique de la Vallée de la Seine de Mantes à Poissy et le déploiement de la Ville-Campus de Cergy Pontoise, ou encore les conditions de territorialisation du projet Europacity et le laboratoire d’innovation publique du Val d’Oise…
EA : Quels sont les projets de la chaire ?
F. Vallerugo : La chaire d’économie urbaine n’a jamais accueilli autant d’étudiants qu’en 2018 et convainc un nombre croissant de partenaires de la rejoindre. Des annonces importantes seront sans doute faites en ce sens lors de notre petite fête d’anniversaire fin juin…Notre premier défi est donc de gérer cette croissance. Mais au-delà du nombre, qui suppose un surcroît d’engagement des professeurs et des étudiants, nous privilégions des relations nouvelles et de qualité au service de nos étudiants. C’est ainsi qu’un nouveau double diplôme sera créé l’année prochaine à notre initiative entre l’ESSEC et l’École d’Architecture de Versailles créant ainsi une passerelle entre des élèves architectes parmi les meilleurs de France qui souhaiteront comprendre les enjeux économiques et sociaux de leurs réalisations et les étudiants de l’ESSEC qui souhaiteront fabriquer les villes dont ils auront préalablement compris les mécanismes de croissance. De nombreux projets éditoriaux sont par ailleurs dans les tuyaux, sur le marketing urbain, l’avenir de la Métropole du Grand Paris, la Responsabilité territoriale des entreprises ou encore les méthodes de production des villes nouvelles…
EA : La chaire fête ses 30 ans. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’événement que vous organisez à cette occasion ?
F. Vallerugo : Parler d’économie urbaine et de gestion publique à l’ESSEC ne fut pas toujours évident pour tout le monde. On peut le concevoir. Mais aujourd’hui la légitimité managériale de notre domaine de recherche et d’enseignements, la spécificité que nous représentons au sein de toutes les grandes écoles françaises de commerce et l’avantage concurrentiel que nous donnons ainsi, avec d’autres chaires, à l’ESSEC ne font (presque) plus débat. Cette fête des trente ans n’a donc d’autre objectif que de réunir les 1500 anciens élèves de tous nos programmes (chaire, Mastère Spécialisé, formation continue) – même si, bien entendu, tous ne viendront pas – et les entreprises et les collectivités publiques qui depuis trente ans nous font confiance. Une simple réunion de famille donc autour d’un grand dîner au cours duquel nous ferons rapidement le point sur l’avenir et partagerons nos souvenirs autour d’un gros gâteau d’anniversaire… N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations !
En savoir plus :
http://chaire-economie-urbaine.essec.edu
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