Julien Morel (E92), directeur d'ESSEC Ventures : « Trop d'incubateurs font l'impasse sur l'accompagnement »
En quelques années, le nombre d’incubateurs a explosé en France. Rien qu’à Paris, on en compterait une quarantaine. Tour d’horizon avec Julien Morel (E92), directeur d’ESSEC Ventures.
ESSEC Alumni : Pourquoi intégrer un incubateur ?
Julien Morel : D’abord pour disposer d’un hébergement gratuit, où travailler et accueillir ses clients et partenaires, et pour échanger avec des condisciples, faire du partage d’expérience et du networking, se tenir au courant des concours et autres opportunités. Après, les services varient selon les structures. Alors que les incubateurs des écoles d’ingénieurs se concentrent sur le développement produit, ESSEC Ventures s’est spécialisé dans la levée de fonds.
EA : Intégrer un incubateur augmente-t-il les chances de succès ?
J. Morel : L’exemple d’ESSEC Ventures tend en tout cas à le confirmer : nos start-ups ont un taux de survie à 5 ans de 72 %, nettement supérieur au taux moyen français, estimé à 50 % selon une étude récente de Bain & Company.
EA : On comprend l’engouement français pour les incubateurs…
J. Morel : Le fait est que la demande croît de manière exponentielle – et qu’elle crée l’offre. Il faut notamment rendre hommage à la Ville de Paris, qui multiplie les incubateurs en partenariat avec des grands groupes, et met des locaux à leur disposition. On voit également apparaître de nombreux incubateurs corporate, notamment dans la banque (BNP, Crédit Agricole), et des méga incubateurs comme Le Cargo, plus grande plateforme d’innovation d’Europe, ou la Halle Freyssinet de Xavier Niel, sur le point d’accueillir plus de 1 000 start-ups. Sans oublier les accélérateurs comme The Family, programmes plus limités dans le temps et souvent payants, mais aussi efficaces.
EA : Tous ces incubateurs sont-ils en compétition les uns avec les autres ?
J. Morel : Pas encore… Mais il ne serait pas surprenant que les start-uppers se mettent à faire jouer la concurrence. Ce jour-là, le marché se segmentera, avec des dispositifs spécialisés dans tel ou tel domaine d’activité. ESSEC Ventures prépare déjà le lancement de clusters sectoriels dans la fintech ou la santé. Paris aussi mise sur cette stratégie.
EA : Dans le même ordre d’idées, un entrepreneur peut-il avoir intérêt à se tourner vers un incubateur à l’étranger ?
J. Morel : Beaucoup se tournent vers les États-Unis dans l’espoir de lever des fonds – mais ce n’est pas toujours un bon calcul, car si les investisseurs sont plus nombreux, les candidats aussi… Se rendre dans un autre pays a surtout de l’intérêt lorsqu’on vise une implantation locale, ou plus largement un développement international. Attention toutefois : au démarrage, l’équipe ne peut ni ne doit se disperser dans plus de deux lieux.
EA : Comme les start-up, les incubateurs doivent eux-mêmes se financer. Comment font-ils ?
J. Morel : Selon moi, ESSEC Ventures a trouvé le modèle idéal. D’un côté, un incubateur à l’équilibre, grâce à des revenus immobiliers et à nos partenaires ; de l’autre, un fonds d’amorçage dégageant d’importants bénéfices, que nous réinjectons non pas dans nos programmes, mais dans nos start-ups, augmentant leurs chances de succès. C’est un cercle vertueux.
EA : Quel conseil donneriez-vous à un start-upper à la recherche d’un incubateur ?
J. Morel : La plupart proposent des locaux et des conditions de travail agréables. Mais trop font l’impasse sur l’accompagnement en tant que tel. Veillez à postuler dans une structure véritablement tournée vers le business.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E11), responsable des contenus ESSEC Alumni
Julien Morel débute sa carrière en créant le département de conseil en stratégie de Dasar à Palo Alto. Après un MBA à la Harvard Business School, il rejoint Cegetel en tant que responsable du développement des services Internet aux entreprises. En 1999, il fonde d/g interactive, qu’il cède en 2002, ainsi qu’un fonds d’amorçage XP spécialisé dans les nouvelles technologies. Il devient ensuite responsable des partenariats CRM chez Siebel Systems, avant d’être nommé directeur d’ESSEC Ventures en 2005. Il dirige également l’Institut de la transmission d’entreprise.
Article paru dans Reflets #115. Pour s’abonner et accéder à l'intégralité des contenus, cliquer ici.
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