Martin Pellet (E10), entrepreneur brasseur : « Nous voulons démocratiser la bière artisanale »
Un atelier de brassage, une marque en propre, et maintenant un bar… Martin Pellet (E10) est en train de développer un petit empire autour de la bière artisanale. On a échangé – et trinqué – avec lui.
ESSEC Alumni : Comment êtes-vous passé d’une école de commerce à un bar à bières ?
Martin Pellet : J’ai d’abord fait un détour par le conseil en stratégie chez A.T. Kearney, pour devenir plus structuré et rigoureux tout en ajoutant quelques lignes sur mon CV. Au bout de 4 ans, j’ai eu envie de changement, et je me suis associé avec des camarades pour lancer La Beer Fabrique, atelier de brassage dans le 11ème arrondissement de Paris, où l’on peut venir apprendre à fabriquer sa propre bière maison, un peu à la manière des ateliers de cuisine. Lancer ma propre marque de bière artisanale, L.B.F, avec Marc Charpentier (E12), puis mon bar à bières, Le Bar Fondamental, était la suite logique.
EA : Comment vous êtes-vous formé au brassage de la bière ?
M. Pellet : Un peu à la manière d’un apprenti chimiste, en avançant à petits pas et par expérimentations successives. Dès mes années à l’ESSEC, j’ai découvert qu’il existait des kits de brassage contenant ustensiles et matières premières (malts, houblons, levure) pour fabriquer sa propre bière dans sa cuisine ou dans son garage. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à brasser mes propres IPA, d’abord parce qu’il y avait un rapport de 1 à 10 entre les prix du commerce et le coût d’une production maison, ensuite parce que j’ai tout de suite adoré l’aspect ludique et créatif du brassage.
EA : Le monde de la bière connaît un grand dynamisme depuis quelques années, avec l’explosion du nombre de marques indépendantes et la diversification des saveurs. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
M. Pellet : Cela fait partie d’un phénomène de fond : les consommateurs cherchent des produits de qualité, de la traçabilité, des ingrédients sains, des circuits courts. La micro-brasserie répond à l’ensemble de ces attentes, puisque les bières artisanales sont brassées localement et uniquement avec de l’eau, du malt, du houblon et de la levure, sans additifs ni conservateurs. Et leur richesse aromatique est décuplée par rapport aux bières industrielles.
EA : Comment la marque L.B.F. se positionne-t-elle dans ce marché ?
M. Pellet : Nous nous différencions sur deux plans. D’abord, nous adoptons une approche « customer-centric », avec une logique de co-création pour toutes nos bières ; nous nous sommes ainsi basés sur les avis de près de 10 000 apprentis brasseurs passés dans notre atelier pour créer nos 4 premières bières – une Pale Ale (ce que l’on appelle une blonde), une bière de blé (bière blanche), une Dubbel (bière ambrée) et une IPA. Ensuite, nous avons créé des lieux pour faire découvrir à nos clients l’univers de la bière artisanale, qui est bien plus riche et complexe que certains l’imaginent.
EA : Pourquoi avoir décidé d’ouvrir un bar à bières, en plus de lancer votre marque ?
M. Pellet : Notre ambition est de mettre toute la France à la bonne bière. Dans nos ateliers de brassage, nous pouvons recevoir chaque semaine une centaine de personnes, avec un ticket moyen élevé, tandis que dans un bar, nous sommes en mesure d’accueillir 5 à 10 fois plus de clients, avec un ticket moyen plus faible. Ouvrir le Bar Fondamental nous a donc naturellement paru être le meilleur moyen de démocratiser la bière artisanale. Encore fallait il réinventer l’expérience du bar à bières…
EA : Justement, quelle est la particularité du Bar Fondamental ?
M. Pellet : Quand on entend « bar à bière », on pense soit aux pubs irlandais où la bière est mauvaise, le sol colle et les odeurs laissent à désirer, soit aux bars de « beer geeks » avec un choix trop important, des cartes pas assez lisibles et un manque total de pédagogie. Le Bar Fondamental propose une expérience radicalement différente. Nos clients ont le choix entre 15 bières à la pression : celles de la marque L.B.F. ; des éditions limitées hebdomadaires créées sur place ; ainsi qu’une sélection des meilleures brasseries artisanales du monde. Ils peuvent s’y retrouver grâce à notre carte dotée d’un lexique, d’un glossaire et d’une matrice explicative. Et ils ont accès tous les week-ends à des ateliers de brassage et des sessions d’open brassage. Néophytes et amateurs sont donc tous les bienvenus pour découvrir ou approfondir leurs connaissances en bière artisanale !
EA : Tenir un bar est un métier différent de brasser une bière. Comment vous êtes-vous préparé à cette nouvelle activité ?
M. Pellet : Avec La Beer Fabrique, nous avions déjà une très bonne expérience de la gestion d’un lieu physique. Pour comprendre quels étaient nos futurs challenges et la manière d’opérer un bar, nous avons étudié beaucoup de concepts différents et nous nous sommes associés avec Youssef Chraibi, qui en tant qu’ancien Foy’s avait une solide expérience derrière le comptoir !
EA : Les diplômés d’école de commerce semblent de plus en plus nombreux à ouvrir des bars ou des restaurants. Confirmez-vous cette tendance ?
M. Pellet : Il y effectivement un bon écosystème de diplômés d’école de commerce qui lancent des bars ou des restaurants et avec qui nous sommes très bons amis : Le Bien Elevé, Les Pinces, Madame Pervenche, Le Barbiche, pour n’en citer que quelques-uns… C’est super pour nous parce que nous pouvons nous entraider et avancer plus vite en évitant de reproduire les erreurs des autres ou, à l’inverse, en nous inspirant de leurs succès.
EA : Non content de lancer leur propre enseigne, ces diplômés finissent souvent par développer des chaînes ou des franchises, tant le succès est important. Est-ce votre ambition ? À quel horizon ?
M. Pellet : Un mois après l’ouverture, nous sommes déjà très contents des retours. Nos premiers clients sont très satisfaits de l’expérience et nous réalisons déjà plus de bénéfices que les précédents occupants de nos locaux. Ceci étant, nous nous concentrons pour le moment sur l’amélioration de l’expérience, afin de la rendre vraiment parfaite. Nous verrons dans un second temps si nous ouvrons d’autres adresses, et à quelle échéance.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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