Matthieu Pamart (M04), pilote de ligne : « On ne se lasse pas d’admirer les étoiles par-dessus les nuages »
Voilà un diplômé dont la carrière a décollé – littéralement. Matthieu Pamart (M04), pilote de ligne, raconte comment il a pris la voie du ciel.
« Pilote, c’était un rêve de gamin. » Dès son bac en poche, Matthieu Pamart suit une formation d’ingénieur aéronautique à l’ESTACA, et s’investit dans une association étudiante organisant des projets humanitaires et de solidarité souvent liés à l’avion (traversée de l’Atlantique avec des handicapés, livraisons de matériel humanitaire en Afrique…). Puis il complète son cursus avec un Mastère spécialisé à l’ESSEC pour s’ouvrir un maximum d’options « dans une industrie connue pour ses trous d’air… ». Devenu co-pilote sur l’Airbus A320 pour Air France, il ne regrette pas son calcul : « Bien plus qu’une sécurité, mon double diplôme s’avère un atout, car ce métier conduit aussi vers des fonctions de management et de gestion de projet. »
Pilote de sol
« Il nous est proposé de plus en plus de missions en parallèle de nos vols. Notre expertise vient nourrir la réflexion stratégique et opérationnelle de l’entreprise. » Matthieu Pamart s’est ainsi positionné sur des questions de concurrence, de ponctualité et d’optimisation des coûts. « Pendant 4 ans, à mi-temps, j’ai travaillé au déploiement d’initiatives permettant d’économiser du carburant. Exemple : rouler au sol avec un seul moteur au départ et démarrer le 2ème avant le décollage. » Pour généraliser cette bonne pratique, il a fallu conduire le changement dans l’entreprise : sensibiliser et former les équipages et la maintenance à de nouvelles procédures et méthodes, tout en respectant un cadre réglementaire strict. « De la vraie gestion de projet ! » Au final, cette initiative, et bien d’autres, ont permis d’économiser 100 millions d’euros en 2 ans.
« L’enjeu aujourd’hui, c’est d’élargir le rôle du pilote, jusqu’ici majoritairement technique, assurant en priorité la sécurité des vols, en le faisant monter en compétence et en appétence sur la culture de la performance, la Perf Ops. » Car un avion est une véritable business unit. Problème : le pilote, s’il la dirige, n’en a pas la pleine maîtrise économique. Certes, il a des leviers important – ponctualité, carburant notamment (premier poste d’achat externe). Mais « pour l’heure, on ne peut pas fixer d’objectifs commerciaux à nos stewards, ni décider de partir en retard parce qu’on sait que le vent va nous pousser, ou au contraire d’accélérer parce que le surcoût carburant sera moindre qu’une nuit d’hôtel payée à nos clients ayant raté leur correspondance. » Dans ce domaine comme ailleurs, le big data changera la donne : « L’idée est de donner au pilote, en temps réel, les moyens de mesurer l’impact de ses actions – coût de la trajectoire empruntée, impact ponctualité, qualité de l’atterrissage, mais aussi avis des clients sur l’accueil à bord – sans avoir à attendre le retour d’une analyse centralisée : une boucle courte en somme, comme dans toute entreprise ! » Avec une nuance de taille : « Les enjeux financiers ne doivent pas impacter la sécurité des vols, qui reste notre priorité absolue. »
Un véritable jeu d’équilibriste donc, qui n’est pas sans générer des tensions. « Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il y avait cinq personnes dans le cockpit. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que deux, car les autres fonctions ont été intégrées à la machine ou aux pilotes. Et ce mouvement continue. Un nombre croissant de responsabilités nous incombe – sans que ce soit toujours valorisé à sa juste mesure. »
Une profession sous haute pression
« Les anciens le confirment : l’ambiance a changé dans la cabine depuis que la porte du cockpit a été verrouillée en 2001. On ne peut pas vraiment oublier le danger. On fait l’objet de nombreuses inspections, de fouilles à chaque embarquement… On est aussi exposés aux attentats dans les hôtels. Il y a certaines destinations où on ne quitte pas l’avion. On dort quelques heures à bord, et on repart. Ce sont les rotations dites red eyes. »
Parallèlement, l’automatisation croissante des appareils, si elle réduit les risques d’accident, en crée aussi de nouveaux : « On a mis du temps à comprendre la série de dysfonctionnements qui a causé le crash du Rio-Paris… Face à des systèmes de plus en plus complexes, on doit se former en continu. On fait quatre simulations de vol par an pour s’entraîner, être contrôlé et se remettre à niveau si nécessaire. »
Impossible de se reposer sur ses acquis, ni de se relâcher. De quoi mettre les nerfs à rude épreuve – mais aussi le corps. « On peut effectuer trois à quatre vols dans une journée, soit autant de pressurisation et de dépressurisation de la cabine, ce qui équivaut à autant de montées et descente en haute montagne, sans vraiment prendre de pause, et cela pendant une douzaine d’heures non-stop. Au début, avec quelques décalages horaires en sus, je n’arrivais pas à rentrer directement chez moi depuis l’aéroport ! Je devais m’arrêter en bord de route et dormir un peu dans ma voiture. » De fait, certaines études sur l’espérance de vie des pilotes réalisées aux États-Unis présentent des conclusions inquiétantes. « Il y a une réelle pénibilité du travail. Mais on l’a choisi ! »
Car Matthieu Pamart l’affirme : « On ne se lasse pas d’admirer les étoiles par-dessus les nuages, de prendre le petit-déjeuner au-dessus du Mont Blanc, ni de rentrer de nuit sur la capitale qui scintille. Après huit ans d’activité, je garde toujours intact le plaisir de voler… »
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E11). Article paru dans Reflets #115. Pour s'abonner, cliquer ici.
Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés