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Reflets Mag #146 | Batoul Hassoun (E07), PDG de The Salmon Consulting et co-présidente du Club 21e siècle

Interviews

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05/04/2023

Reflets Mag #146 invite en couverture Batoul Hassoun (E07), présidente-directrice générale de The Salmon Consulting (Groupe Havas) et co-présidente du Club 21e siècle. Elle raconte ses engagements en faveur de l'inclusion, de la diversité et de l'égalité des chances au sein de la société et de l'entreprise. Découvrez un extrait de l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Reflets Magazine : Quel a été votre parcours avant d'intégrer l'ESSEC ?

Batoul Hassoun : J'ai eu un parcours relativement classique parce que j'habitais à Versailles et que j'ai effectué toute ma scolarité au lycée Hoche, de la sixième à la prépa, jusqu'à mon intégration à l'ESSEC Grande École. La petite touche un peu moins classique c'est que je suis d'origine syrienne, mes deux parents sont Syriens, et parce que mon père était un élève plutôt brillant, il avait obtenu une bourse de l'État qui lui a permis de partir faire un MBA et de passer un doctorat à… HEC. Je suis donc née et j'ai grandi sur le campus d'HEC jusqu'à l'âge de cinq ans. Voilà pour la petite blague.

RM : Et une fois diplômée ?

B. Hassoun : En sortant de l'École, je me suis posé pas mal de questions sur ce que je voulais faire. Il y a deux mots qui résument mon parcours, c'est « intrapreneuse » et « engagée ». Intrapreneuse parce que j'ai toujours aimé créer : des entités, des structures ou bien des offres, mais sans prendre les risques puisque je l’ai toujours fait au sein d’entreprises établies et non en entrepreneuse. J'ai d'abord commencé au sein du département newbiz du groupe Ogilvy, en publicité donc ; mon rôle consistait à convaincre de nouveaux clients de faire appel à nous pour leur stratégie de communication. J'ai par la suite créé la branche française de Figtree (rachetée depuis par Prophet), une société de conseil en marketing. Fin 2011, je suis partie à la SNCF participer à la création de Ouibus, le réseau de lignes d'autocars longue distance racheté par la suite par BlaBlaCar. Un an plus tard, retour chez Ogilvy pour créer Ogilvy Consulting – conseil en stratégie et innovation – à Paris, qui deviendra le deuxième bureau mondial du réseau. Enfin, dernière expérience à ce jour : la création en mai 2021 de The Salmon Consulting au sein du groupe Havas. Voilà pour le côté professionnel.

RM : Et pour ce qui est de l'engagement ?

B. Hassoun : L'engagement est presque une seconde nature chez moi, parce que j'ai eu la chance d'avoir accès aux bonnes études et de profiter du système méritocratique français, je veux que cela soit possible pour le plus grand nombre. J'ai donc toujours voulu rendre ce qui m'a été donné en donnant un coup de pouce aux personnes moins chanceuses ; c'est pour cela que j'ai été très engagée à l'ESSEC dans le programme PQPM (Une grande école : pourquoi pas moi ?). J'ai été tutrice, puis coordinatrice des tuteurs ; ensuite, j'ai pris la présidence de l'association « Partage » qui regroupait tous les tuteurs de France des programmes « Cordées de la réussite ». Enfin, en sortant de l'École, je me suis demandé comment je pouvais poursuivre cet engagement. Je le fais aujourd'hui de plein de façons différentes, notamment au sein du Club 21e siècle et du programme « Young Leaders » de la French-American Foundation, avec cet objectif de toujours créer des liens et de construire un monde meilleur pour l'avenir, de faire bouger les lignes. Cet engagement n'est pas en parallèle de mes activités professionnelles, il fait partie intégrante de mon job. Lorsque j'accompagne mes clients en conseil, je réintègre cette dimension engagée en tentant de les emmener dans des transformations positives ; c'est au cœur de ma mission au sein de The Salmon Consulting.

RM : Comment est né ce projet et qu'est-ce qui vous distingue des autres cabinets de conseil ?

B. Hassoun : Le point de départ de cette aventure vient du constat largement partagé que le monde bouge de plus en plus vite. Mais, devant ce constat, on oublie trop souvent de souligner que l'on fait face à des injonctions contradictoires, c'est-à-dire qu'on nous demande tout et son contraire. On nous demande de continuer à satisfaire le ou les actionnaires, tout en pensant aux collaborateurs de l'entreprise mais aussi en pensant à préserver la planète. On nous demande de penser le court et le long terme. Or, devant autant de contradictions dans un monde qui va très vite, parce que nous sommes humains, notre réflexe est ce que j'appelle la « fordisation », c'est-à-dire qu'il est beaucoup plus confortable d'aller se réfugier dans ce que l'on connaît. Donc on benchmarke, on fait des copiés-collés de modèles qui ont fait leurs preuves dans le passé, d'où ma référence aux usines Ford qui sortaient un modèle unique. C'est exactement ce que font tous les cabinets de conseil. Benchmarker n'est pas inutile, mais ce n'est qu'une base ; ce qu'il faut en réalité, c'est se poser des questions afin d'inventer le monde de demain. La manière dont nous faisons du conseil est de penser à contre-courant, comme le saumon remonte la rivière, d'où le nom « The Salmon Consulting ». Il faut challenger le statu quo et les certitudes, poser les bonnes questions, chercher de nouveaux modèles, comprendre le monde qui bouge, faire de la prospective, faire preuve d'esprit critique, évaluer la pertinence pour être certains que nous apportons les bonnes réponses.

RM : Avec quels outils ?

B. Hassoun : Il ne faut pas se priver d'aller chercher dans les nouvelles façons de faire, les modèles émergents, les nouvelles sciences. Nous utilisons aussi bien l'ethnologie, la sociologie, l'anthropologie que la finance et l’économie, parce que c'est l'ensemble de ces savoir-faire qui va nous aider. Pendant longtemps, les économistes ont pensé l'être humain comme un homo economicus rationnel. Or les sciences comportementales ont montré que l'homme avait une part d'émotionnel, d'irrationnel, des biais. Ces études ont été récompensées à deux reprises par le prix Nobel d'économie, la première fois en 2002 pour Daniel Kahneman et la seconde en 2017 pour Richard Thaler. Ce sont ces savoir-faire que j'ai intégrés dans ma manière de faire du conseil, en comprenant les mécanismes et les biais existants, pour concevoir comment il est possible de changer une culture d'entreprise ou des comportements au sein de l'entreprise. Notre positionnement n'est pas toujours facile en termes de business car les patrons (et patronnes) d'entreprises ont souvent tendance à faire appel à des consultants que je qualifierais de « doudous » rassurants. Alors que nous sommes plutôt des consultants « poil à gratter », voulant toujours challenger, tout en recherchant une forme d'équilibre en étant accompagnateurs et pédagogues. Au quotidien, nos trois piliers d'offres sont Structure, Futur et Culture. La Structure, c'est aider l'entreprise à se réinventer en redéfinissant son plan stratégique ou son marketing stratégique, jusqu'à son positionnement ou sa marque s'il le faut. Le Futur, c'est la prospective indispensable à la compréhension de ce qui va venir, qui permet d'être pertinent par rapport aux nouvelles tendances, aux évolutions sociétales et écologiques. Enfin la Culture, c'est l'accompagnement au changement en utilisant la culture de l'entreprise sur la base notamment d'études anthropologiques ou de sciences comportementales. À savoir comment faire partager des valeurs, des rituels, des mythes et des symboles pour faire communauté et donc faire évoluer les cultures et accompagner les stratégies.

RM : Quel doit être le rôle des managers aujourd'hui au sein de l'entreprise ?

B. Hassoun : C'est la grande question que toutes les entreprises se posent. En tout cas, le manager a aujourd'hui un rôle bien plus important que par le passé, un rôle pivot avec une énorme pression – lorsque l'on sait, selon une étude récente, que 60 % des personnes qui quittent une entreprise le font à cause du management. D'autant que les attentes des plus jeunes collaborateurs ont beaucoup évolué. Ils sont moins patients : nous sommes passés du couple effort-récompense, qui s’inscrit dans la durée, à un couple contribution-rétribution immédiate. Un changement de paradigme qui complexifie la mission du manager, qui doit être à la fois inspiré et inspirant, avoir une vision, être présent pour accompagner et faire grandir les équipes et enfin accorder de la reconnaissance. Tout un ensemble de facteurs qui réclament de nouvelles compétences. D'autant plus que l'on constate depuis quelque temps une inversion des priorités de la part des collaborateurs, phénomène que la crise sanitaire n'a fait qu'accélérer. À savoir que la grande majorité d'entre eux ne souhaitent plus travailler plus pour gagner plus, mais au contraire disposer de plus de temps libre quitte à gagner moins. Le second bouleversement, que j'appelle la liquéfaction du travail, est la disparition de l'unité de lieu au travail, notamment due au développement du télétravail, de l'unité de temps pour les mêmes raisons, et de l'unité de tâche puisque nous sommes désormais appelés à exercer plusieurs métiers différents. Tout cela a volé en éclat, ce qui n'est d'ailleurs pas forcément négatif.

RM : Diriez-vous qu'il existe une forme de défiance vis-à-vis de l'entreprise et du monde du travail ?

B. Hassoun : Je ne crois pas. Les plus jeunes font d’ailleurs davantage confiance aux entreprises qu’aux politiques pour trouver des solutions aux problèmes du monde. Je pense plutôt qu'il y a la volonté de travailler différemment, avec une quête de sens plus importante au sein d'entreprises qui s'engagent davantage vers un modèle d'organisation différent. Je le constate dans le monde de l'entreprise mais aussi à l'ESSEC, avec le lancement de la communauté ESSEC Transition Alumni qui veut défendre les valeurs d'un nouveau modèle de société. Chez The Salmon Consulting, nous avons essayé de formaliser l'équation des talents, une équation mathématique qui intègre tous les critères importants pour qu'une entreprise soit attractive. Et nous avons constaté qu'il s'agit peu ou prou des mêmes critères qu'il y a quelques années : rétribution – incluant le salaire mais aussi la formation ou le personal branding –, reconnaissance sociale, self-fulfillment, job security – ça c'est le haut de l'équation. À l'inverse, le dénominateur c'est la rigidité du management ajoutée à la question de l'équilibre personnel des collaborateurs. Ces critères restent donc quasiment les mêmes, la vraie problématique est le poids accordé à chacun et l’équilibre du tout. Il faut que les entreprises comprennent qu'il s'agit d'un ensemble de demandes et qu’il ne suffit pas de passer à la semaine de quatre jours. Pas de défiance donc, mais une véritable envie de changer de modèle, de sens, de se sentir personnellement utile, et une volonté de voir l'entreprise changer.

RM : Revenons à vos engagements. Vous êtes depuis un an coprésidente du Club 21e siècle ; quelle est la mission de l'association ?

B. Hassoun : [suite de l’article à découvrir dans Reflets Mag #146]

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag, et Michel Zerr, correspondant pour Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #146. Voir le preview du numéroRecevoir les prochains numéros.

 

Image : © E.Legouhy

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