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Reflets Mag #147 | Benoît Coquart (M95), CEO de Legrand

Interviews

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07/06/2023

Reflets Mag #147 invite en couverture Benoît Coquart (M95), CEO de Legrand, qui raconte son parcours au sein du géant mondial des infrastructures électriques et numériques, sa stratégie face à l'inflation et ses vues sur la transition, la sobriété énergétique et le bien-être au travail. Découvrez un extrait de l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Reflets Magazine : Vous avez à ce jour effectué l’intégralité de votre carrière chez Legrand ; qu’est-ce qui avait motivé votre choix à l’époque ?

Benoît Coquart : Le secteur m’intéressait ; c’était une entreprise dont l’activité était à la fois B2B et B2C. Je trouvais très intéressant de toucher à la fois le consommateur final et une chaîne économique de professionnels, plus structurée. Je crois que, lorsque vous êtes en début de carrière – et je pense que c’est un peu le cas pour beaucoup de personnes –, vous ne tirez pas forcément de grands plans sur la comète ; quand vous avez une offre qui tombe, que c’est votre premier job et que la société vous plaît, vous n’hésitez pas très longtemps.

RM : Vous avez été recruté de manière un peu particulière, alors que vous étiez en Corée du Sud...

B. Coquart : Après mon passage à l’ESSEC, je suis parti faire une coopération au poste d’expansion économique à Séoul. Legrand nous a contactés parce qu’ils étaient à la recherche d’un jeune coopérant pas trop cher pour ouvrir leur bureau de représentation en Corée du Sud. J’ai présenté ma candidature et c’est comme cela que j’ai été embauché.

RM : Cette première expérience a-t-elle été déterminante pour la suite de votre carrière ?

B. Coquart : Une expérience à l’étranger est forcément un atout pour la suite d’une carrière, notamment dans une entreprise internationale comme Legrand. Pour autant, je ne recommanderais pas à un jeune diplômé de commencer nécessairement à l’étranger. Je trouve utile de débuter sur son marché national pour apprendre un certain nombre de méthodologies, de process et, par la suite, pourquoi pas, de partir vivre une expérience à l’étranger. J’ai quand même le souvenir de m’être senti un peu seul au cours des premiers mois à Séoul, d’avoir manqué de cadre. Cela ne s’est toutefois pas trop mal passé. Je suis rentré au bout de deux ans en France où j’ai eu l’opportunité de faire pas mal de jobs différents, dans le marketing, la finance… un parcours dans des filières assez diverses.

RM : Legrand a enregistré des résultats exceptionnels en 2022 ; comment l’expliquez-vous, en cette période de fortes tensions ?

B. Coquart : Legrand a toujours été une société rentable. Cela tient beaucoup à son business model et à sa stratégie de croissance basée sur deux piliers fondamentaux : innovation et croissance externe – l’objectif étant de créer de la valeur pour ses clients, avant des produits toujours plus utiles, design, faciles à installer et à utiliser. Prenez l’exemple d’un interrupteur. Dans son acception la plus basique, c’est un bouton blanc qui va vous permettre d’allumer ou d’éteindre la lumière. À ce bouton blanc, Legrand va apporter des finitions spéciales, des plaques en verre, en cuir, mais aussi des fonctions supplémentaires qui vont améliorer la vie des utilisateurs, puisqu’aujourd’hui un interrupteur peut même être connecté. Notre business model, c’est cette capacité d’innovation sur des produits simples qui crée à la fois de la croissance et de la marge. Ce sur quoi je préfère mettre l’accent et que je trouve le plus remarquable depuis quelques années, c’est en effet notre capacité à faire de la croissance. Au cours des cinq dernières années, Legrand est passé d’un peu plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires à un peu plus de 8 milliards. Et pourtant, ces cinq ans n’ont pas été des années tranquilles, entre la pandémie, la crise des matières premières et les conséquences de l’invasion de la Russie en Ukraine.

RM : La crise énergétique, la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, et votre désengagement de Russie n’auront donc pas pesé sur vos résultats ?

B. Coquart : Notre retrait de Russie n’a pas été un événement majeur à l’échelle du groupe puisque la Russie ne représentait que 1,5 % de notre chiffre d’affaires. Pour ce qui est de la crise énergétique, nous en avons effectivement souffert comme pas mal d’autres sociétés, mais nous ne sommes pas une entreprise très énergivore. Avant la crise, nos dépenses représentaient aux alentours de 30 millions d’euros par an. En revanche, cette crise s’est traduite pour nous par un certain nombre d’opportunités, car nous avons la chance chez Legrand de « faire partie de la solution ». Ce que je veux dire par là, c’est que 40 % des émissions de CO2 proviennent du bâtiment ; les solutions de maîtrise de l’énergie qui permettent de réduire les dépenses énergétiques ont le vent en poupe, et il se trouve que nous en avons un certain nombre au catalogue. C’est avec ces solutions entre autres que les bâtiments deviendront plus efficaces.

RM : En avez-vous profité pour investir davantage dans la recherche et le développement ?

B. Coquart : Nous avons toujours beaucoup investi dans la R&D. Chez Legrand, cela représente, depuis de nombreuses années déjà, à peu près 5 % de notre chiffre d’affaires, soit en moyenne deux fois plus que nos concurrents. Depuis quelques années, nous concentrons nos efforts sur trois segments à forte croissance : les produits d’efficacité énergétique, les produits connectés et les produits pour les centres de données. L’ensemble représente un tiers de notre chiffre d’affaires, les deux autres tiers concernent les produits d’infrastructure plus traditionnels que sont l’interrupteur, le disjoncteur, la boîte de sol, etc.

RM : Quels sont vos objectifs pour 2023 ? Êtes-vous à la recherche de nouvelles acquisitions ?

B. Coquart : Nous tablons toujours sur une croissance, même si nous restons prudents face aux incertitudes économiques. Et oui, effectivement, nous allons poursuivre nos acquisitions. Nous en avons réalisé sept en 2022 ; il s’agit en règle générale de sociétés de petite taille, très spécialisées dans leur domaine d’activité. Pour vous donner un exemple, nous avons annoncé en début d’année l’acquisition du leader brésilien des parafoudres. Nous avons à ce jour une liste de quelque 300 entreprises de ce type. Je vous confirme que nous annoncerons d’autres acquisitions au cours des prochains trimestres ! Malgré la conjoncture très incertaine, nous avons l’intention de poursuivre notre stratégie assez offensive de croissance externe, toujours dans le respect des grands équilibres financiers.

RM : Observez-vous une accélération sur vos produits liés à la transition énergétique ?

B. Coquart : C’est incontestable, notamment en Europe qui a beaucoup mis l’accent sur ces sujets et où le prix de l’énergie a le plus considérablement augmenté. Depuis deux ans, nous constatons en effet de très fortes progressions sur un certain nombre de familles de produits – le plus emblématique et le plus grand public étant le thermostat connecté, mais je pourrais aussi citer quelques produits qui permettent de réaliser des économies d’énergie dans les centres de données ou dans de grands bâtiments tertiaires. Nous constatons donc une véritable accélération en faveur de ce type de produits et je pense que c’est une tendance qui va se poursuivre au moins au cours des dix prochaines années.

RM : Legrand est-il lui-même un bon élève en matière de sobriété énergétique ?

B. Coquart : Nous avons une feuille de route alignée sur les objectifs les plus ambitieux des accords de Paris. Nous nous sommes ainsi engagés à réduire de 50 % nos propres émissions, c’est-à-dire Scope 1 et 2, et de 15 % les émissions de l’amont et de l’aval, Scope 3, soit des objectifs compatibles avec la limitation à 1,5 °C de l’augmentation de la température par rapport aux niveaux préindustriels. Cela passe par l’installation de nos propres solutions dans nos bâtiments et nos usines. Cela veut aussi dire basculer nos achats d’énergie vers le renouvelable, ou encore remplacer progressivement notre flotte de véhicules thermiques par de l’électrique, et bien sûr ajuster nos comportements pour davantage de frugalité. Autant d’actions qui vont nous permettre d’atteindre les objectifs fixés. Je pense qu’il s’agit d’un élément important en termes de responsabilité sociale de l’entreprise, mais c’est également de plus en plus demandé par nos clients, par nos fournisseurs, nos salariés et même les candidats qui postulent chez nous.

RM : Vous constatez une réelle inflexion en ce sens de la part des candidats ?

B. Coquart : Ce qui est frappant, c’est le changement concernant les attentes des candidats. Il y a encore dix ou quinze ans, les demandes concernaient l’évolution au sein de l’entreprise afin d’accéder à des postes intéressants – et, bien sûr, la rémunération. À ces questions qui demeurent aujourd’hui s’ajoutent le sujet de la RSE et celui de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Des questions que l’on n’osait pas évoquer il y a quelques années encore, alors qu’elles sont désormais abordées frontalement lors des entretiens d’embauche.

RM : Quelle serait votre définition de l’expérience collaborateur ?

B. Coquart : [suite de l’article à découvrir dans Reflets Mag #147] 

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #147. Voir le preview du numéro. Recevoir les prochains numéros.

 

Image : © Arnaud Calais

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