Retour aux actualités
Article suivant
Article précédent

Reflets Mag #148 | Béatrice Kosowski (E87), présidente d’IBM France

Interviews

-

05/07/2023

Reflets Mag #148 invite en couverture Béatrice Kosowski (E87), présidente d’IBM France, qui affiche son ambition d’allier le meilleur de la technologie et des potentiels de chacun en faveur d’un impact positif
 sur le monde de demain, au sein d’une entreprise qui porte haut les valeurs de diversité et d’inclusion. Découvrez un extrait de l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros,
abonnez-vous !

Reflets Magazine : Comment s’est passée votre rencontre avec IBM ?

Béatrice Kosowski : Tout est parti de la création de ma société de marketing direct à la fin de ma première année à l’ESSEC, une société que j’ai dirigée pendant six ans avant finalement de me planter. Par la suite, un chef d’entreprise m’a tendu la main en m’embauchant au sein de sa société de cosmétique, et trois ans plus tard, IBM, qui avait été l’un de mes clients lorsque j’étais cheffe d’entreprise, m’a contactée pour que je vienne les rejoindre. C’était une démarche très particulière pour moi, venant d’une première expérience de création d’entreprise, que de rejoindre une très grande société, c’était un véritable changement. Au-delà du fait que je connaissais bien le métier et la culture de l’entreprise, je trouvais très intéressant de rejoindre une grande société qui connaissait à l’époque quelques difficultés et qui était en pleine transformation, c’était cela ma motivation. Quand je fais le bilan trente ans plus tard, je constate qu’IBM est une société toujours en réinvention parce que nous évoluons dans un secteur d’activité tellement exigeant que, si on ne se réinvente pas en permanence, on ne tient pas. L’entreprise a plus de 110 ans et elle prétend être encore là dans un siècle. Cette logique d’entrepreneur de mes débuts, je l’ai poursuivie dans une forme très différente chez IBM, en ayant toujours le sentiment d’être entrepreneur.

RM : Quels ont été vos différents métiers chez IBM ?

B. Kosowski : Mon premier job a été de construire l’équivalent d’une agence de marketing direct mais en interne, avec pratiquement quelque 700 campagnes à faire chaque année. Par la suite, j’ai eu des rôles en région, notamment à Toulouse où s’est créé un territory management et dont il fallait animer tout l’écosystème. À chacun des postes que j’ai occupés, j’ai toujours eu l’impression de construire et de développer quelque chose. Ce fut particulièrement le cas pendant la crise financière de 2008, lorsque j’étais présidente d’abord en France puis pour l’Europe du Sud-Ouest de notre filiale en charge du financement, donc avec une licence bancaire. Autant dire que ce fut une période pour le moins très très tonique. J’ai ensuite eu à résoudre une crise et à repositionner une relation avec le groupe SNCF et GEODIS, avec des enjeux extrêmement importants au niveau international entre les deux sociétés. Enfin j’ai dirigé notre bras armé dans le domaine des services d’infrastructures, j’étais alors mandataire social de plusieurs de nos filiales. Jusqu’à la proposition qui m’a été faite de prendre la présidence il y a deux ans et demi.

RM : Vous évoquiez une entreprise en constante transformation ; en quoi IBM s’est-elle transformée au cours des trente dernières années ?

B. Kosowski : Il y a eu un choix délibéré dans les années 1990 de tout miser sur une stratégie de valeur par opposition au « volume ». C’est ce qui a permis par la suite de prendre des décisions pertinentes et cohérentes au fil des années, pour décider sur quelles activités nous allions le plus investir, ou au contraire celles que nous allions céder. Ce fut par exemple le cas avec l’abandon du secteur des imprimantes et de la micro-informatique, pour aller vers des solutions de forte valeur ajoutée. C’est aussi ce qui a conduit le choix des 250 à 300 acquisitions que nous avons réalisées au cours de ces années. C’est pour nous un véritable moteur par rapport à notre stratégie de création de valeur. Nos quatre principaux piliers sont un investissement extrêmement conséquent en R&D, de l’ordre de 6 à 6,5 milliards de dollars chaque année, avec la sortie d’un brevet toutes les heures, nuits et weekends compris ; ensuite ce sont les acquisitions qui souvent comportent d’importantes prises de risques ; mais aussi les alliances stratégiques comme récemment avec SAP ou Adobe, ainsi que les partenariats avec bon nombre d’ESN ; enfin le quatrième pilier concerne l’ensemble de nos collaborateurs et la façon dont nous faisons évoluer leurs compétences. C’est ainsi qu’en quelques années nous sommes passés d’un chiffre d’affaires à 80 % basé sur le hardware à un CA aujourd’hui constitué à plus de 70 % par le logiciel et le service, donc des solutions.

RM : Lors de votre arrivée à la tête d’IBM France, quels ont été les grands défis que vous avez eu à relever ?

B. Kosowski : Le premier a été, comme pour tous les dirigeants d’entreprise à l’époque, la gestion du Covid qui a été un véritable challenge. Ensuite, quatre jours seulement après ma prise de fonction, était annoncée la décision de spin-off, la scission de l’activité d’infogérance dont j’étais la directrice générale quelques jours plus tôt. Une scission d’avec le géant des services informatiques Kyndryl, qui concernait 90 000 personnes dans plus d’une centaine de pays et 19 milliards de dollars de CA, que nous avons réalisée en seulement treize mois. Un défi énorme qui a réclamé beaucoup d’énergie en termes d’écoute, de communication, de construction de la confiance auprès de nos clients, de nos collaborateurs et des partenaires sociaux. D’autant qu’à mon arrivée, on venait aussi d’annoncer un PSE assez lourd qu’avec mes équipes nous avons réussi à faire évoluer en plan de départs volontaires, sans le moindre départ contraint. Enfin, un autre défi à relever a été la réorganisation complète de la façon dont on s’occupait de nos clients, à savoir une simplification et une clarification de la manière dont nous nous adressions à eux. Il a donc fallu mener tout cela de front tout en gardant notre âme, ce qui n’a pas été simple, mais je crois pouvoir dire aujourd’hui que cela a été très positif. Nous avons réussi à le faire en travaillant différemment la communication, la proximité, l’écoute et le soutien aux managers de premières lignes qui étaient au contact. Donc pour résumer, le projet de transformation était dans notre trajectoire, mais il est clair qu’il a été accentué et accéléré avec la crise sanitaire.

RM : Qu’est-ce qui selon vous a marqué l’industrie numérique lors de la dernière décennie ?

B. Kosowski : Ce qui est fabuleux, c’est l’existence d’une innovation pléthorique, et lorsque vous conjuguez l’ensemble de ces innovations, vous aboutissez à d’énormes bouleversements, de grosses réinventions. La première d’entre elles aura été le cloud, et notre conviction est que ce qui va apporter le plus de valeur aux entreprises sera le cloud hybride, c’est-à-dire des environnements multicloud parce que désormais les clients choisissent plusieurs cloud providers. Nous sommes nous-mêmes opérateur de cloud, mais il existe d’autres fournisseurs avec lesquels nous avons des partenariats. La deuxième innovation transformationnelle est bien entendu l’intelligence artificielle et tout le travail autour de la donnée. On ne la découvre pas, mais l’IA évolue énormément et prend un envol très particulier avec ce coup de projecteur mis sur ChatGPT, qui permet de se réapproprier ce que font toutes les entreprises depuis quelque temps déjà et de s’intéresser à l’IA générative. Aujourd’hui, il existe de multiples possibilités pour les entreprises déjà aguerries sur le sujet, et selon nous le vrai enjeu est double : c’est d’abord le passage à l’échelle, c’est-à-dire le fait de totalement repenser leur business model, leur organisation, leurs processes, leurs applications, de manière à ce qu’elles soient véritablement industrialisées dans leur façon d’injecter l’intelligence artificielle ; le deuxième gros volet est  ce que nous appelons la gouvernance, qui concerne l’éthique, la transparence et l’éradication des biais.

RM : Et pour ce qui est du quantique, comment se situe IBM ?

B. Kosowski : Nous sommes très très investis et avancés sur le quantique. Il s’agit d’un domaine en plein développement, qui commence à se rapprocher du stade de commercialisation, ce qui est un signe de maturité. Notre vision de l’informatique du futur intègre des systèmes hétérogènes, c’est-à-dire le bit classique ordinaire 0 ou 1, augmenté par l’IA d’inspiration neuronale, auxquels on rajoute aujourd’hui le quantique avec les qubits. Le défi étant de réussir à faire vivre ces systèmes ensemble, cela veut dire que, lorsque nous travaillons sur le quantique, nous travaillons à la fois sur le hardware, le software, sur les compétences et le fait de pouvoir intégrer le quantique sur l’entreprise d’aujourd’hui. En ce qui concerne la question de la puissance technologique, notre parti pris est le choix de la transparence en publiant notre roadmap, ce qui représente une prise de risques importante ; mais nous considérons qu’il est bien de partager avec la communauté et nos clients. L’an dernier nous avons sorti Osprey, un processeur à 433 qubits, ce qui est assez en avance par rapport à la communauté. Et nous avons annoncé que cette année nous dépasserions les 1 121 qubits, une étape très importante dans la mesure où, lorsqu’on dépasse 1 000 qubits, on est en capacité de réaliser un avantage quantique, c’est-à-dire supérieur à l’informatique traditionnelle la plus puissante, sur un cas d’usage qui apporte quelque chose, qui commence à être véritablement utile. En même temps que nous travaillons sur cette montée en puissance, nous travaillons sur la qualité afin de limiter au maximum le taux d’erreurs. C’est assez primordial parce qu’il ne sert à rien de disposer d’une puissance incroyable s’il n’y a pas de fiabilité à l’arrivée. Nous sommes à ce stade très confiants pour la suite.

RM : Qu’en est-il de l’aspect éthique de vos recherches, quelle est votre réflexion sur le sujet ?

B. Kosowski : [suite de l’article à découvrir dans Reflets Mag #148]

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag, et Michel Zerr, correspondant pour Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #148. Voir le preview du numéro. Recevoir les prochains numéros.

 

Image : © Christophe Meireis

J'aime
1872 vues Visites
Partager sur

Commentaires0

Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.

Articles suggérés

Interviews

Caroline Renoux (EXEC M10) : « À terme, on ne pourra plus faire carrière sans maîtriser la RSE »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

10 décembre

Interviews

Blandine Cain (M04) : « Mon livre répond à 80 % des problématiques des entrepreneurs »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

07 décembre

Interviews

Reflets #154 | Guillaume Heim (E21) & Emma Rappaport (E19) : « La France se positionne comme grande puissance de la deeptech »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

25 novembre