Retour aux actualités
Article suivant
Article précédent

Reflets Mag #150 | Elisabeth Moreno (EXEC MBA 06), engagée pour l’égalité

Interviews

-

06/12/2023

Reflets Mag #150 invite en couverture Elisabeth Moreno (EXEC MBA 06) qui retrace son parcours depuis une petite ville du Cap Vert jusqu’au poste de ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances, et qui raconte comment elle continue de s’engager pour l’inclusion depuis son retour dans le privé. Découvrez un extrait de l’article en accès libre… et pour lire les prochains numéros, abonnez-vous !

Reflets Magazine : Vous avez été nommée au printemps dernier au sein du Conseil pour la diversité, l’équité et l’inclusion (DE&I) du groupe Sanofi pour une durée de trois ans. Quelle est votre mission ?

Élisabeth Moreno : Ma mission est simple et complexe à la fois. Cela fait des années que les cabinets de conseil les plus sérieux disent combien les questions de diversité, d’équité et d’inclusion sont importantes. Combien elles rendent les entreprises plus rentables, plus efficaces, plus performantes, et surtout plus accueillantes. Parce que, certes, on a envie de travailler avec des gens qui nous ressemblent, mais aussi avec des gens qui nous apportent des choses que l’on ne retrouverait pas ailleurs, on s’enrichit de la différence des autres. C’est une chose de savoir ce que la diversité, l’équité, l’inclusion peuvent apporter à l’entreprise, mais c’en est une autre de savoir comment mettre en œuvre les bonnes politiques dans un grand groupe comme Sanofi, qui compte plus de 95 employés et est présent dans plus de 50 pays, un groupe qui comprend plus d’une cinquantaine de métiers et qui traite d’un sujet aussi éminemment humain que la santé. Quand Paul Hudson [CEO de Sanofi, ndlr] m’a expliqué quelles étaient ses ambitions, à savoir devenir le premier grand groupe français, apporter de manière déterminée ces sujets, j’ai dit « banco » !

RM : Il s’agit donc d’un véritable engagement de la part de Sanofi...

É. Moreno : Le groupe traite tout type de client sur tous les continents. La question de la diversité dans une entreprise comme Sanofi est donc une évidence en termes de clients. Mais le sujet de l’équité et de l’inclusion est plus complexe à mettre en œuvre dans un aussi grand groupe. C’est pourquoi nous travaillons en priorité sur les questions de diversité qui se posent de manière universelle, à savoir le genre, l’origine culturelle et sociale, l’orientation sexuelle ou encore la santé et le handicap. Et c’est absolument passionnant ! Sanofi a bien compris qu’en s’appuyant sur la diversité de ses collaborateurs, le groupe sera encore plus proche de ses clients.

RM : C’est dans le même esprit que vous avez rejoint le conseil d’administration d’Each One, une startup spécialisée dans l’inclusion de personnes réfugiées au sein de grands groupes ?

É. Moreno : Depuis le début de mes études supérieures, j’ai toujours été engagée sur les questions d’égalité des chances, d’égalité des genres aussi, j’ai accompagné beaucoup de jeunes que j’ai mentorés et suivis dans leur carrière pour les aider à réussir. J’ai eu moi-même la chance de percer plusieurs plafonds de verre et j’ai toujours pensé que la réussite n’avait de sens que si elle était partagée. Je suis une enfant issue de l’immigration, le fruit de la méritocratie républicaine, je suis partie de rien et, grâce à l’éducation, grâce au travail et aux personnes que j’ai eu la chance de rencontrer sur mon chemin, j’ai pu faire tomber des murs de briques et parfois de béton. Lorsque je suis sortie du gouvernement, j’ai été approchée par Théo Scubla [cofondateur et CEO d’Each One, ndlr] qui m’a parlé de ce que faisait Each One et j’y ai évidemment été sensible de par mon histoire personnelle. Les immigrés du sud vers le nord quittent rarement leur pays, leur famille, leurs amis, pour se lancer dans une aventure pleine de dangers et d’incertitude par gaité de cœur. Ils fuient les guerres, la famine, la pauvreté ou les conséquences du dérèglement climatique. Cette immigration forcée se fait souvent dans des conditions désespérées. Lorsque ces personnes arrivent dans un pays comme le nôtre, où l’universalisme a un sens si puissant, elles ne rêvent que d’une chose : se reconstruire et vivre dans la dignité, et certainement pas percevoir les allocations familiales ou le RSA, comme certaines personnes malintentionnées essaient de nous le faire croire. Dans ces conditions, soit on permet à ces personnes de trouver un emploi et de s’insérer dans la vie économique du pays, soit elles deviennent un fardeau pour la société. Each One a fait le choix d’accompagner ces personnes par la formation pour leur permettre de vivre dignement. Il y a dans notre pays de nombreuses entreprises et de nombreux secteurs qui peinent à recruter ; d’un autre côté, nous avons des personnes qui cherchent désespérément un emploi. Each One crée des ponts entre ces deux mondes. C’est une manière pragmatique, sensée et humaniste de résoudre en partie la question migratoire.

RM : Au début de l’année, vous avez lancé votre propre association « La puissance du lien » ; comment vous en est venue l’idée ?

É. Moreno : En lisant récemment un article de presse à propos d’une étude menée par Harvard depuis plus de 75 ans sur 600 personnes issues de milieux socioculturels et économiques très différents. Ces personnes étaient interrogées chaque année depuis leur adolescence et une question simple leur était posée : qu’est-ce qui vous a rendu heureux cette année ? Et chaque année, systématiquement, la grande majorité de ces personnes répondaient que ce qui les avait rendues le plus heureuses, c’étaient les liens qu’elles entretenaient avec leur famille, leurs amis, leur communauté, leurs voisins, leur association ou leurs collègues de travail… Et cela a été prouvé à plusieurs reprises par la suite : les liens humains sont les éléments essentiels qui contribuent à notre bonheur. Or, en période de crise, ce sont ces mêmes liens qui sont les plus fragilisés parce qu’on a tendance à se replier sur soi et à chercher des boucs émissaires responsables de nos malheurs. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu notre pays aussi divisé, aussi fracturé. Pourtant, la meilleure manière de surmonter ces crises politiques, sociales, économiques, sanitaires, environnementales, géopolitiques, c’est de s’unir : unir nos intelligences, nos compétences et nos expertises, pour répondre aux enjeux de ce monde en mutation. C’est pourquoi j’ai décidé de créer l’association « La puissance du lien » : pour rappeler que nos liens humains sont une source d’espoir et une réponse aux nombreux enjeux auxquels nous sommes collectivement confrontés. Nous travaillons avec des associations, des entreprises et des institutions publiques et adressons des sujets tels que les liens entre les femmes et les hommes, les liens intergénérationnels, et les liens entre nos territoires. Les retours de nos participants sont enthousiastes et encourageants.

RM : 2023 aura décidément été une année très riche pour vous en termes d’engagements puisqu’en juin dernier vous avez été nommée à la présidence de la fondation Femmes@numérique. Comment expliquez-vous le manque de mixité dans ce secteur de l’économie pourtant extrêmement porteur ?

É. Moreno : Il y avait plus de femmes dans la tech quand j’y suis entrée il y a 25 ans qu’il n’y en a aujourd’hui. Il y a plus de jeunes filles qui étudient aujourd’hui dans le secteur du numérique dans les pays émergents qu’il n’y en a en France. J’aime à rappeler que le pionnier de l’informatique est une pionnière, la mathématicienne anglaise Ada Lovelace, au cours de la première moitié du XIXe siècle. Et qu’il a fallu attendre que son compatriote Alan Turing reprenne ses travaux un siècle plus tard pour que l’informatique voie le jour « officiellement ». Les études montrent que, lorsque certains secteurs comme l’informatique, le numérique ou le digital prennent de l’ampleur, dès qu’ils deviennent des milieux de pouvoir, les femmes en sont généralement écartées ou s’en écartent elles-mêmes. Il existe encore beaucoup de préjugés, de stéréotypes en ce qui concerne les métiers qui doivent être occupés par des femmes et ceux qui ne doivent pas l’être. Donc, si on ne met pas en place des outils pour lutter contre ces préjugés, si on ne rappelle pas à nos enfants que les métiers n’ont pas de genre, si vous n’expliquez pas à une jeune fille que dans le secteur du numérique on peut faire écouter de la musique au monde entier, on peut soigner ou permettre aux enfants éloignés de l’école d’avoir accès à la lecture ou aux mathématiques, si on ne change pas le système actuel, cela va devenir très compliqué. Nous devons créer un nouveau système qui inclue les parents, les enseignants, les entreprises, les associations, l’ensemble des institutions. Il ne s’agit plus d’une question morale ou éthique, c’est devenu une urgence de compétitivité.

RM : Vous vous êtes lancée très jeune dans le monde de l’entrepreneuriat en créant une entreprise dans le bâtiment ; quelle était votre ambition à l’époque ?

É. Moreno : [suite de l’article à découvrir dans Reflets Mag #150]

 

Propos recueillis par François de Guillebon, rédacteur en chef de Reflets Mag, et Michel Zerr, correspondant pour Reflets Mag

Paru dans Reflets Mag #150. Voir un aperçu du numéro. Recevoir les prochains numéros.

J'aime
1359 vues Visites
Partager sur

Commentaires0

Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.

Articles suggérés

Interviews

Reflets Mag #154 | Nathalie Joffre (E05) : l’art et la mémoire

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

12 novembre

Interviews

Sandrine Decauze Larbre (E09) : « Rien ne prépare à faire face à 30 élèves »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

12 novembre

Interviews

Mai Hua (E99) : « Mes docu-poèmes touchent à l'universel en explorant l'intime »

photo de profil d'un membre

Louis ARMENGAUD WURMSER

12 novembre