Reflets Mag #153 | Baptiste Bonnichon (M21), pro en hauteur
Dans Reflets #153, Baptiste Bonnichon (M21) raconte comment à seulement 28 ans, il a déjà remporté un titre de champion de France d’escalade, repris l’exploitation agricole familiale, créé le cabinet de conseil Alcélia et co-fondé le groupe d’hôtellerie de plein air Inspire Villages. Pas étonnant qu’il figure parmi les lauréats 2024 du classement Forbes 30 Under 30 en France !
« Enfant, je grimpais partout – aux arbres, aux murs, jusqu’aux toits. » Un jeu d’enfant qui devient une pratique de haut niveau quand Baptiste Bonnichon entre au collège. « Je me suis mis à faire de l’escalade en compétition. »
Il grandit pourtant dans le Berry, loin des montagnes d’où proviennent généralement les champions de cette discipline. « Je ne me battais pas à armes égales avec les Savoyards ou les Chamoniards qui ont accès aux meilleures infrastructures. Mais je m’entraînais en gymnase 20 à 30 heures par semaine, je filmais mes performances pour les analyser… J’ai même construit mon propre mur d’escalade avec des panneaux en contreplaqué. »
Une approche qui paie : il remporte la Coupe de France de bloc l’année de son baccalauréat – en plus d’obtenir la mention très bien.
Un choix de voie
Si Baptiste Bonnichon ne poursuit pas dans le sport professionnel, il tire de cette expérience des leçons qui guident son parcours. « Pour progresser en escalade, il faut ouvrir des voies, c’est-à-dire trouver la meilleure succession de prises possibles. Il s’agit de faire preuve de créativité et d’anticipation afin d’atteindre le sommet. On peut y voir une forme de préparation à l’entrepreneuriat. »
Dont acte : en parallèle de ses études, Baptiste Bonnichon reprend l’exploitation agricole de ses grands-parents. « Depuis mes 10 ans, je savais faire les moissons, m’occuper des vaches… et même conduire les tracteurs. » Désormais propriétaire, il ajoute la corde administrative et financière à son arc. « J’ai restructuré et modernisé l’activité. Par exemple, j’ai fait construire des étables en stabulation libre, où les vaches ne sont plus à l’attache, et je les ai dotées de panneaux photovoltaïques pour couvrir le coût des travaux en revendant l’électricité. »
Mais il veille aussi à maintenir un modèle paysan. « Nous conservons nos haies et nous nourrissons notre cheptel avec du fourrage que nous cultivons nous-mêmes, en prairie plutôt qu’en labour. D’où un impact environnemental faible. »
Une manière aussi de respecter l’héritage familial. « Nous exerçons ce métier depuis cinq générations, soit plus d’un siècle. Je tiens à faire perdurer ce savoir-faire. » Mission accomplie : il gagne le 1er prix du Salon de l’agriculture avec son taureau charolais « Poète » en 2023, puis avec sa génisse « Toscane » en 2024.
Et ce, alors même qu’il ne se consacre pas au projet à temps plein. « Si la ferme constitue mon point d’ancrage – l’endroit où je garde les pieds sur terre, littéralement – j’ai la chance de pouvoir compter sur des collaborateurs passionnés pour le travail quotidien des champs et de l’élevage. » Ce qui lui donne la possibilité de créer et piloter une deuxième entreprise : le groupe Alcélia.
Changement de champ
« Au début, je me suis lancé comme consultant indépendant spécialisé dans les nouveaux modèles économiques du sport. » Il part d’un constat, nourri de ses années sur le terrain : « Le modèle traditionnel des fédérations, exigeant de prendre une licence, de participer à des tournois et de faire du bénévolat, subissait à la fois la baisse des subventions et le désengagement des nouvelles générations, attachées à plus de liberté. Et j’anticipais qu’en alternative, les collectivités allaient devoir se rapprocher des modèles privés avec des partenariats plus hybrides. »
Il vise juste. « Très vite, j’ai accompagné Issy-les-Moulineaux et Montreuil dans leur stratégie territoriale olympique, la région Grand Est dans l’évaluation de sa politique sportive… » Il recrute une véritable équipe, ouvre même un deuxième bureau à Mayotte qui lui donne accès au marché africain. « Nous avons notamment travaillé sur la politique sportive de Mayotte et de l’île de la Réunion, et en ce moment, nous planchons sur la rédaction d’un guide de financement des infrastructures sportives en Afrique pour l’Agence française de développement. »
Car il a aussi acquis des compétences en immobilier et en urbanisme, renforcées lors de son cursus à l’ESSEC. « J’ai d’abord été sollicité pour intégrer des offres de sports et loisirs marchands (escalade, karting, futsal, paddle tennis…) à des centres commerciaux. De là, j’ai imaginé de nouvelles mécaniques d’ingénierie pour des programmes de centres de loisirs, d’urbanisme… »
De quoi lui ouvrir de nouvelles perspectives. « Je me suis rendu compte que j’aimais l’idée de construire, de concrétiser par moi-même, pas seulement de conseiller. Et surtout d’imaginer une nouvelle manière de faire de l’immobilier. »
Mise en chantier
Dont acte : son camarade David Brunello (M21) lui propose justement de s’associer pour développer… des campings nouvelle génération. « D’une part, cette activité cadre avec ma sensibilité écologique : on artificialise modérément (10 à 15 % de la surface), on édifie essentiellement du bâti temporaire, on structure l’espace principalement par la végétalisation et la qualité paysagère… Et le terrain peut revenir à la nature en six mois. D’autre part, le marché français est porteur : situé au 2e rang mondial derrière les États-Unis, il continue de croître grâce à l’essor du tourisme vert mais aussi à son rapport qualité/prix et à sa proximité. »
Baptiste Bonnichon diversifie donc le portefeuille de son groupe Alcélia et cofonde le groupe Inspire Villages. « Nous nous positionnons sur le segment de l’hôtellerie de plein air haut de gamme lifestyle : des établissements à taille humaine, avec une ambiance calme, un confort équivalent à celui d’un hôtel 4 étoiles et une ouverture forte sur les richesses touristiques locales. »
Le succès ne se fait pas attendre : en quatre ans, la jeune pousse passée par l’incubateur ESSEC Ventures mène deux levées de fonds, acquiert cinq sites puis absorbe son principal concurrent Slow Village, portant son portefeuille à 11 destinations, et atteint 20 M € de chiffre d’affaires, 100 M € d’investissements et 350 collaborateurs. « Ce projet est né sous une bonne étoile ! » Et comme à son habitude, Baptiste Bonnichon sait s’y prendre pour aller la décrocher.
Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni
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