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Sébastien Henry (E94) : « Nous voulons faire évoluer le modèle éducatif français »

Interviews

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14/06/2022

Sébastien Henry (E94) et sa femme ont fondé La Forêt des Lucioles, école qui apprend aux enfants à se relier à la nature, à soi et aux autres. Il explique comment on développe un projet pédagogique quand on ne vient pas du monde de l’éducation et expose les particularités de son modèle, qu’il espère voir essaimer. 

ESSEC Alumni : Pouvez-vous nous présenter La Forêt des Lucioles ?

Sébastien Henry : Il s’agit d’une école primaire (CP au CM2) qui a pour double particularité de mettre la créativité au cœur de son projet pédagogique et de proposer aux enfants de passer deux jours par semaine dans la nature. Cette expérimentation revêt aussi une dimension citoyenne : mon épouse et moi-même souhaitons contribuer à faire évoluer le modèle éducatif français.

EA : Quels aspects de votre parcours vous ont-ils mené à ouvrir La Forêt des Lucioles ? 

S. Henry : Mon parcours d’entrepreneur pendant 10 ans en Asie m’a aidé à passer à l’action, tandis que mes études en parallèle de l’ESSEC – psychologie, philosophie et métiers de l’éducation (Master MEEF) – m’ont donné des clefs pour la définition de notre projet éducatif.

EA : Comment s’y prend-on pour ouvrir une école quand on ne vient pas du monde de l’éducation ? 

S. Henry : Nous nous reposons sur une équipe pédagogique solide, mais sans nous laisser brider dans nos envies d’innovation par le formatage professionnel inévitable dans tout métier. C’est pourquoi, par exemple, nous avons décidé que la direction pédagogique de l’école serait assurée par un binôme formé d’une institutrice et d’une éducatrice nature.

EA : Quels sont les piliers de la pédagogie de La Forêt des Lucioles ?

S. Henry : Notre école s’inscrit dans le mouvement des pédagogies actives, qui met l’accent sur la nécessité de placer l’enfant en acteur essentiel de ses apprentissages, en l’aidant à développer son autonomie. Nos trois piliers : la connexion à la nature, la vie collective, et la prise de confiance en soi – en sa créativité, notamment.

EA : Quelles sont les autres spécificités de La Forêt des Lucioles ? 

S. Henry : Nous apportons une attention particulière à la créativité des enfants, avec des sessions dédiées au moins une fois par semaine, ainsi qu’au travail en groupe (notamment au règlement des conflits), avec des cercles de parole matin et soir.

EA : Quel bilan tirez-vous des premières années de scolarité de La Forêt des Lucioles ? 

S. Henry : Les institutrices venues d’un système plus classique se disent surprises par la joie et l’autonomie des enfants, et par leur attention aux autres. Quant aux apprentissages plus formels (français et mathématiques), nous avons lancé une série d’évaluations menées par des équipes scientifiques indépendantes des universités de Lyon et Bordeaux, qui prendront encore plusieurs années avant de produire des conclusions solides. Mais notre intention est très claire : obtenir des résultats très significatifs.

EA : Quels sont les profils des familles qui s’inscrivent à La Forêt des Lucioles ?

S. Henry : On constate une grande diversité de profils, rassemblés par la volonté d’offrir aux enfants un cadre scolaire qui prenne vraiment en compte leur bien-être et leur personnalité (nous proposons des plans d’apprentissage individualisés pour chaque élève). Par ailleurs, nous accueillons au minimum 30 % de boursiers – dont des familles monoparentales aux revenus limités. Un dispositif financé par le fait que mon épouse et moi nous engageons bénévolement dans l’école.

EA : Votre modèle pédagogique vous paraît-il pouvoir essaimer à grande échelle ? Voire s’étendre à l’Éducation Nationale ?

S. Henry : Notre ambition est en effet de montrer que nous atteignons les apprentissages attendus de l’Éducation Nationale de façon tout aussi efficace, mais via des chemins différents. Nous ne visons pas tant la multiplication des établissements – aventure trop complexe à nos yeux – que la diffusion de pratiques innovantes auprès de tous les enseignants qui seraient intéressés. Nous n’avons d’ailleurs jamais conçu ni présenté notre modèle en opposition ou en objection au système classique.

EA : Dans le même esprit, votre projet pédagogique pourrait-il être étendu au secondaire ? 

S. Henry : De fait, nous préparons l’ouverture d’un collège pour 2024. Nous pensons pouvoir donner un nouveau souffle au modèle actuel, conçu il y a de nombreuses décennies.

EA : Quelle est la place d’un modèle comme le vôtre, et plus largement des modèles dits « alternatifs », dans le système éducatif français ? 

S. Henry : Le système éducatif français présente à mon avis de belles qualités, mais gagnerait à s’ouvrir davantage et à se montrer plus à l’écoute. Aujourd’hui, les cellules dédiées à l’innovation dans chaque académie (CARDIE) ne proposent pas un dialogue entre écoles publiques et écoles dites « alternatives ». Les échanges pourraient pourtant s’avérer très riches – dans les deux sens : je suis impressionné par l’engagement et l’inventivité de certains enseignants de l’Éducation Nationale.

EA : Comment les ESSEC peuvent-ils soutenir La Forêt des Lucioles ?

S. Henry : Avis aux entrepreneurs et dirigeants : nous cherchons à pérenniser notre équilibre financier en constituant un groupe de 5 à 6 entreprises qui soutiennent nos activités sur la durée (3 à 5 ans) et financent nos bourses ainsi que nos études d’évaluation indépendantes. À noter, il s’agit autant de collecter des fonds que de partager une aventure humaine. J’en veux pour exemple notre relation avec la première entreprise qui s’est engagée à nos côtés, Nicomatic : les enfants de l’école ont aidé ses collaborateurs à planter des arbres dans les espaces verts du siège, et ont apporté une contribution à la conception d’un nouveau site. Si vous êtes intéressé par un partenariat similaire, n’hésitez pas à me contacter directement : sebastien@foretdeslucioles.fr / 06 50 90 51 78.

 

En savoir plus : 
www.foretdeslucioles.fr

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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