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Alexandre Chieng (E05) : « En 2025, la Chine représentera la moitié du marché mondial du luxe »

Interviews

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30/11/2021

Diplômé de la Chaire LVMHAlexandre Chieng (E05) a récemment été nommé président exécutif et co-Chief Growth Officer de Fosun Fashion, l’un des plus grands groupes de luxe chinois. Il nous dévoile sa stratégie et les perspectives d’un marché au potentiel unique au monde. 

ESSEC Alumni : Pourquoi avoir décidé de faire carrière en Chine après avoir grandi en France ?

Alexandre Chieng : La transition s’est faite naturellement, à la faveur de trois opportunités qui ne se refusaient pas. Tout d’abord un double diplôme avec la Peking University, l’une des meilleures universités chinoises, puis un VIE en corporate finance chez BNP Paribas à Shanghai, enfin une offre d’emploi chez Loewe China au sein de LVMH.

EA : Quelles sont les principales caractéristiques du marché du luxe chinois ?

A. Chieng : En 2025, la Chine représentera à elle seule plus de la moitié du marché mondial du luxe. Une belle perspective, qui induit de nombreux bouleversements : l’avènement d’une clientèle de plus en plus jeune, informée et exigeante avec un fort pouvoir d’achat ; l’attachement identitaire croissant aux marques et esthétiques chinoises ; l’émergence d’une confection 3.0 avec des investissements considérables dans les technologies, les nouveaux matériaux et la R&D. Ces évolutions constituent des défis de taille pour les marques de luxe internationales, qui vont devoir non seulement proposer de nouveaux produits et services, mais aussi réinventer l’expérience client pour toucher la nouvelle génération.

EA : Quels sont les atouts de Fosun Fashion sur ce marché ?

A. Chieng : Fosun Fashion est la filiale luxe de Fosun, l’un des plus grands conglomérats privés chinois, présent dans 20 pays avec plus de 71 000 employés dans le monde et plus de 100 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Le groupe compte parmi les pionniers chinois des acquisitions transfrontalières : en France, il a notamment mis la main sur le Club Med, Saint-Hubert, Paref et bien sûr Lanvin.

EA : Certains présentent Fosun Fashion comme le futur LVMH chinois, notamment du fait de sa stratégie d’acquisition de marques…

A. Chieng : De fait, nous nous sommes constitué en quelques années un portefeuille de marques emblématiques avec Lanvin donc, mais aussi Wolford, St. John, Caruso et Sergio Rossi. Nous avons d’autres similarités avec le groupe LVMH : un attachement à l’héritage, une stratégie sur le long terme, une implantation étendue à l’internationale ainsi qu’une présence dans la joaillerie, les cosmétiques, les vins et spiritueux, et la distribution sélective.

EA : Est-ce à dire que la Chine ne peut se positionner dans le luxe qu’en s’associant à des acteurs historiques et étrangers ? 

A. Chieng : Il existe des marques de luxe chinoises reconnues et appréciées localement – par exemple les liqueurs Maotai. Mais elles peinent encore à s’imposer en dehors des frontières nationales. Nous croyons cependant à leur potentiel chez Fosun Fashion, et pensons même que la tendance va s’accélérer avec le développement du « hard power » et du « soft power » chinois.

EA : Quand Fosun Fashion fait l’acquisition de maisons européennes, quel est l’impact sur l’identité et la stratégie de ces marques ? 

A. Chieng : Le succès de Fosun Fashion repose sur la combinaison entre l’héritage culturel de ses marques et le dynamisme du marché chinois. Afin de préserver cette double dynamique, que nous appelons « Dual Engine », nous avons mis en place une structure de leadership dédoublée. Prenons l’exemple de Lanvin : deux directeurs généraux adjoints co-pilotent ensemble la maison. Le premier, basé en France, a pour mission de faire rayonner Lanvin dans son pays d’origine, tout en respectant son héritage et ses valeurs. La deuxième, basée en Chine, exerce au plus proche de son actionnaire principal, le groupe Fosun, et maîtrise parfaitement les spécificités locales et les rouages d’un marché en pleine expansion. C’est grâce à ce tandem que Lanvin connaît en Chine une croissance à trois chiffres. Cette formule, nous l’appliquons à l’ensemble de notre portefeuille. 

 

Propos recueillis par Louis Armengaud Wurmser (E10), responsable des contenus ESSEC Alumni 

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