Le 8 décembre 2015, les Mardis de l’ESSEC ont reçu chez Mazars France Damien Viel (E97), directeur général de Twitter France, Didier Rappaport, fondateur d’Happn et de Dailymotion, et Dominique Cardon, sociologue au laboratoire des usages d’Orange Labs, pour parler transition numérique et big data.
Source de bien des fantasmes et surtout de craintes, le big data n’en trouve pas moins son héraut en la personne de Damien Viel. Refusant toute vision manichéenne, celui-ci affirme que « le big data a amélioré la vie des gens » et cite pêle-mêle les avancées que cette technologie permet dans les domaines de la santé, de la communication, de la recherche et de l’urbanisme – sans compter sa rentabilité. Dominique Cardon nuance et rappelle l’existence d’un « marché noir des données privées ». Damien Viel rétorque en soulignant que ce problème n’est pas inhérent au big data mais tient plutôt à la gouvernance des entreprises, qui devraient veiller à défendre leurs utilisateurs aussi bien que leurs intérêts financiers. Il n’en concède pas moins que Twitter donne accès à une importante base de données.
De l’éthique à la pratique
Comment exploiter tant d’informations ? Selon Didier Rappaport, toute la difficulté consiste à transformer le big data en smart data – et ce dans un délai très court. Dominique Cardon confirme : pour lui, le « nouvel or noir numérique » ne se trouve pas tant dans les données que dans les algorithmes chargés de les analyser. L’intelligence artificielle, déjà capable d’imiter la réflexion humaine comme HAL, doit désormais se faire prédictive et se baser sur les statistiques. Car si les systèmes informatiques ne créent pas, ils calculent et reproduisent.
Une question d’adaptation
Les trois invités le martèlent : face à tous ces changements, la priorité est à l’éducation. Pour Dominique Cardon, « il faut apprendre à coder, au moins vaguement, pour ne pas se laisser intimider par les machines et leurs créateurs ». Damien Viel opine : « Moi, je ne sais pas coder et ça m’embête ». Il appelle à enseigner le code dès le cycle primaire – profession de foi que n’aurait pas reniée Axelle Lemaire.
Confidence pour confidence
Malheureusement, la grande question du respect de la vie privée reste sans réponse chez les trois intervenants. Signe des temps ? On ne peut s’empêcher de penser au « paradoxe de la vie privée » tel que décrit par Dominique Cardon dans ses travaux : tout le monde s’en soucie, mais personne n’agit. En définitive, c’est peut-être bien dans la lutte contre ce « citoyen apathique » craint jadis par Tocqueville que réside l’enjeu principal de la transition digitale.
Propos recueillis par Axel Ropars (étudiant)
Article paru dans le n°113 de Reflets ESSEC Magazine. Pour s'abonner, cliquer ici.
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