Gaëlle Devoucoux (E09) : « L’urgence en Ukraine est une crise majeure de déplacement forcé en Europe »
Gaëlle Devoucoux (E09) travaille aux partenariats privés en France au sein du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Elle donne des éclairages sur la situation humanitaire liée à la guerre en Ukraine – et sur la collecte de dons menée par l’ESSEC et ESSEC Alumni au profit du HCR. Vous aussi, faites un don !
ESSEC Alumni : Quelles sont les missions du HCR ?
Gaëlle Devoucoux : Créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le HCR protège les personnes forcées de fuir en raison de conflits ou de persécutions. Mise à l’abri, accès à l’eau, la santé, l’éducation, l’énergie ou encore la formation, accès à l’emploi et l’inclusion, le HCR intervient dans plus de 130 pays pour construire des perspectives d’avenir meilleures pour les réfugiés, dans une réponse impliquant l'ensemble de la société.
EA : À ce jour, quelle est la situation humanitaire liée à la guerre en Ukraine ?
G. Devoucoux : Selon les derniers chiffres, près de 3,5 millions de personnes ont dû fuir l’Ukraine. Et les chiffres continuent d’augmenter : on estime que cette crise pourrait déplacer 4 millions de personnes à l’extérieur du pays, et encore plus à l'intérieur de l’Ukraine.
EA : Au-delà des besoins d’urgence, à quels risques les personnes déplacées sont-elles exposées ?
G. Devoucoux : Près de 90 % des personnes qui ont été forcées de fuir l’Ukraine sont des femmes et des enfants. Parmi ces derniers, beaucoup ne sont pas accompagnés ou ont été séparés de leur famille, ce qui les expose à des risques élevés de violences, d’abus et de traite.
EA : Comment le HCR répond-il à ces vulnérabilités particulières ?
G. Devoucoux : Nous avons déployé des spécialistes et des experts en matière de protection des femmes et des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (PSEA) dans toute la région. Nous avons en outre lancé une campagne "Stay Safe" (« Restez en sécurité ») afin de sensibiliser les personnes fuyant l'Ukraine aux risques qu’elles encourent et aux mesures qu’elles peuvent prendre pour atténuer ces risques. Enfin, en partenariat avec l’UNICEF, nous avons mis en place des « points bleus » (« Blue Dots ») en République tchèque, Hongrie, Moldavie, Pologne, Roumanie et Slovaquie. Ce sont des espaces sûrs qui fournissent un ensemble de services de protection aux enfants, aux familles et aux autres personnes ayant des besoins spécifiques, en soutien aux services existants et aux efforts des gouvernements.
EA : Plus largement, quelles actions le HCR mène-t-il depuis le début de la guerre ?
G. Devoucoux : Le HCR mène de nombreuses actions : enregistrement des déplacés internes, mise en place et fonctionnement de centres de transit, aide financière directe sans restriction (loyers, besoins essentiels…), assistance juridique, soutien psychosocial, accès à la bonne information via la plateforme HELP…
EA : Comment intervenez-vous dans les pays frontaliers de l’Ukraine ?
G. Devoucoux : Nous avons des bureaux implantés en Pologne et en Roumanie, ainsi qu’en Hongrie, où notre antenne couvre également la Slovaquie et la Moldavie. Nos objectifs principaux sont de soutenir le passage à l’échelle rapide des infrastructures existantes et d’apporter notre assistance technique. Nous élaborons notamment un plan régional de réponse pour les personnes réfugiées (RRP), avec la participation de partenaires tels que le PNUD, l'OMS, Save the Children, HelpAge International, INTERSOS, Project Hope, le FNUAP, le CNR, l'UNICEF, le PAM et l'OIM.
EA : Pouvez-vous nous donner un exemple d’aide d’urgence apportée par le HCR dans ces différents pays ?
G. Devoucoux : En Moldavie, nous avons lancé un programme d'assistance en espèces avec le ministère de la Protection sociale et les partenaires locaux, qui vise à soutenir 200 000 personnes dans les 4 mois à venir.
EA : Quid des actions du HCR en Ukraine ?
G. Devoucoux : Le HCR est basé en Ukraine depuis 1994 : nous avons six bureaux locaux, ainsi que plusieurs entrepôts dans trois régions différentes pour stocker des fournitures humanitaires. La guerre a bien sûr compliqué notre tâche, en rendant l’accès aux personnes dans le besoin difficile et dangereux, en exposant notre personnel à des risques extrêmes, et en retardant l’acheminement de l’aide. Mais nous ne baissons pas les bras. Parmi nos mesures phares : cartographier les besoins, informer les populations impactées via des mécanismes de mobilisation communautaire et une ligne d’assistance téléphonique, et fournir de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des soins d’urgence dans les zones affectées – particulièrement aux groupes les plus vulnérables comme les personnes handicapées ou souffrant de graves problèmes de santé, les personnes âgées et les minorités.
EA : Pouvez-vous nous donner des exemples d’actions menées par le HCR sur le territoire ukrainien ?
G. Devoucoux : À l’Est, nous avons fourni un hébergement d’urgence à plus de 5 000 personnes chassées des régions de Donetsk et Louhansk par les bombardements, et piloté le premier convoi humanitaire à parvenir à la ville assiégée de Sumy, où des dizaines de milliers d’habitants sont bloqués. À Odessa, nous assurons une permanence juridique et sociale pour les 600 à 800 personnes qui transitent par la gare de la ville pour fuir. À Lviv, nous avons lancé un programme d’assistance en espèces qui doit permettre à 360 000 personnes de couvrir leurs besoins essentiels tout en soutenant les fournisseurs locaux.
EA : Pour mener à bien l’ensemble de ces actions, quels sont les besoins du HCR ?
G. Devoucoux : Nous avons lancé un appel aux dons pour un montant initial de 510 millions de dollars (462 millions d’euros). Cette somme doit permettre de financer la réponse humanitaire pour les personnes déplacées à l'intérieur de l'Ukraine pendant trois mois, ainsi que la protection et l’assistance vitale aux personnes réfugiées et aux demandeurs d'asile originaires d'Ukraine dans tous les pays affectés de la région pendant six mois. Plus précisément, 270 millions de dollars (244 millions d’euros) sont alloués à la réponse en Ukraine, environ 53 % de cet appel est dédié à l’aide en Pologne et presque 6 % à la Moldavie. Ces chiffres sont cependant susceptibles d'évoluer vu la volatilité de la situation sur le terrain.
EA : Comment peut-on soutenir les actions du HCR ?
G. Devoucoux : La priorité, c’est le financement. Nous avons déjà d’importants stocks de produits de première nécessité et d’articles vitaux. Nous manquons en revanche de fonds pour acheminer les fournitures et pour verser des aides en espèces aux personnes déplacées. Vous pouvez nous faire un don via la collecte co-organisée par l’ESSEC, ESSEC Alumni, ESCP Alumni et HEC Alumni sur la plateforme GlobeDreamers – que je remercie très sincèrement pour leur réactivité, leur puissance de mobilisation et leur réel engagement. Par ailleurs, vous pouvez vous-mêmes organiser des cagnottes au profit de notre organisation. Nous attirons aussi votre attention sur la possibilité de mobiliser vos collaborateurs et clients dans le cadre d’appels à dons personnalisés au bénéfice de la population affectée par la crise. Nous cherchons également du mécénat d’entreprises et de fondations d’entreprises ainsi que des relais de visibilité. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter directement : devoucou@unhcr.org. Pour donner un ordre de grandeur : 60 € permettent de distribuer une couverture à 10 personnes, 89 € permettent d’apporter un soutien psychosocial à un enfant, 120 € permettent de fournir des bâches à 10 familles pour isoler et protéger leur abri…
EA : Le HCR accepte-t-il les dons en nature ?
G. Devoucoux : Le HCR n'est pas actuellement en mesure de gérer les petites contributions en nature. Néanmoins, nous vous suggérons d’entrer en relation avec les organisations de la société civile et les groupes de bénévoles actifs dans la fourniture d'une assistance directe aux réfugiés. N'oubliez pas qu'il est conseillé de contacter ces groupes avant toute collecte afin d'être sûr que vos dons correspondent à leurs besoins.
EA : Le HCR a-t-il besoin de bénévoles ?
G. Devoucoux : Notre personnel sur le terrain est spécialement formé aux interventions d'urgence. Les personnes qui fuient les conflits sont souvent traumatisées et ont parfois été directement victimes de violences, il est donc essentiel qu'elles reçoivent un soutien de la part de professionnels. Néanmoins, nous vous recommandons là encore de contacter les organisations de la société civile et les groupes de bénévoles actifs dédiés. À cet égard, en France vous pouvez consulter la page du gouvernement sur les formes d’engagement possibles dans le cadre de la crise humanitaire en cours en Ukraine.
EA : Outre les besoins immédiats, quels seront les besoins des personnes déplacées à moyen et long terme ?
G. Devoucoux : Les personnes réfugiées auront besoin d’aide pour l’accès au logement, l’insertion professionnelle, l’éducation et plus globalement l’intégration socio-économique dans leur pays d’accueil.
EA : Comment répondre le plus efficacement possible à ces besoins ?
G. Devoucoux : L’Union européenne a pris les devants le 3 mars dernier en prenant la décision sans précédent d’offrir une protection temporaire aux réfugiés fuyant l’Ukraine. Créée au lendemain de la guerre en Yougoslavie, la directive sur la protection temporaire accorde à de grands groupes de personnes un statut de protection collective. Ces personnes bénéficient d’une protection pour une durée maximale d’un an (avec une possibilité de prolongation jusqu’à trois ans), sans passer par des demandes d’asile individuelles, et obtiennent l’accès au logement, à l’éducation, à la santé, à la protection sociale ou encore au permis de séjour.
Pour contribuer au financement des actions du HCR en faveur des personnes déplacées par la guerre en Ukraine, participez à la collecte co-organisée par l’ESSEC et ESSEC Alumni et faites un don.
Pour plus d’informations sur les actions auxquelles vous pouvez participer en faveur des personnes déplacées par la guerre en Ukraine, consultez la page dédiée du gouvernement.
Pour plus d’informations sur le HCR : Site officiel | Twitter | Facebook | Instagram
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