Mardis de l’ESSEC : Sylvain Tesson, écrivain sans frontières
Le 23 octobre 2018, les Mardis de l’ESSEC ont reçu l’écrivain voyageur Sylvain Tesson. Une escapade philosophique avec un aventurier des temps modernes qui a passé sa vie à partir pour mieux écrire.
Conteur exceptionnel, Sylvain Tesson a transporté le public des Mardis de l’ESSEC aux quatre coins du monde, depuis la petite cabane en Sibérie où il s’est retiré pendant plusieurs mois, jusqu’à la cité détruite de Palmyre qu’il vient de visiter. « J’aime l'itinéraire, le mouvement, mais j’aime que ce mouvement soit accompagné d’une méditation autour d’une thématique. Je la choisis dans le champ historique. Parfois dans le champ philosophique. » Au milieu des champs de ruine en Syrie, il est habité par la question du retour. « Je suis fasciné par ces hommes qui ont l’énergie de revenir chez eux pour récupérer la vie que le sort leur a volé. » Au cœur de la taïga en Russie, il réfléchit au sentiment de solitude – et en tire une leçon morale et politique. « Il y a deux manières de s’opposer à une autorité dans le monde moderne. Soit on se rebelle et, sans le savoir, on joue le jeu de l’ennemi en lui donnant une justification pour se doter d’une force de répression sous prétexte de maintien de la paix. Soit on se met en retrait, on se détache, on s’isole, et on échappe au contrôle de la gouvernance. »
De fait, Sylvain Tesson est un électron qui a su rester libre ; et sa liberté de mouvement est la condition de sa liberté de pensée. Ou comme il le résume en commentant avec humour l’enfer des transports franciliens : « Quand une société est bloquée dans son corps physique, la vie intellectuelle ne peut pas prendre corps. »
Car Sylvain Tesson est un homme de débat, qui à travers ses livres aime provoquer et interroger les hommes sur leur condition. Il prévient : « À tous ceux d’entre vous qui travaillent dans un bureau sur Excel, je vous mets en garde : la lecture de 20 pages de Sylvain Tesson risque de provoquer en vous une crise existentielle. » Il annonce ainsi sans ciller qu’il ne croit pas à la révolution digitale ni aux promesses de ses promoteurs. « Je ne vois pas la nature des hommes, leur capacité de protéger la vie, d’émerveillement, leur intelligence, leur mystère, leur anticonformisme s’améliorer. » Ne s’agirait-il pas d’une vision quelque peu conservatrice ? « Tout le monde est conservateur. C’est la chose la mieux partagée du monde. La conservation est un principe biologique, de continuation de la vie. »
Face à la course parfois aveugle de son temps, et au « désarroi philosophique profond » qui en découle, Sylvain Tesson oppose l’écriture comme « une forme d’action contemplative ». Tout en précisant : « Je n’ai pas l’imagination pour inventer quelque chose d’autre. J’ai simplement la capacité et la possibilité de trouver les interstices, chemins de traverse et issues de secours. » Au fond, Sylvain Tesson cherche toujours la même voie, « celle du retranchement, monastique, artistique, nomade », loin de tout « messianisme religieux, politique, technique ». Avoir de l’influence ou du pouvoir ne l’intéresse pas. « Qu’est ce que ça veut dire, le pouvoir ? À quelle influence peut-on prétendre, dans un monde où un président ne peut pas exclure l’usage des pesticides sur son territoire ? » Sylvain Tesson croit uniquement à la force des mots. « C’est ma seule patrie. »
Retrouvez l’intégralité du débat en vidéo ici.
Illustration : © Noir sur Blanc
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